L'enfer est à lui

White Heat

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Film policier de Raoul Walsh, avec James Cagney (Arthur « Cody » Jarrett), Virginia Mayo (Verna), Edmond O'Brien (Hank Fallon/Vic Pardo), Margaret Wycherly (Ma Jarrett), Steve Cochran (« Big Ed » Somers).

  • Scénario : Ivan Goff, Ben Roberts, d'après une histoire de Virginia Kellogg
  • Photographie : Sid Hickox
  • Musique : Max Steiner
  • Montage : Owen Marks
  • Production : Warner Bros
  • Pays : États-Unis
  • Date de sortie : 1949
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 1 h 54

Résumé

Cody Jarrett, un gangster psychopathe et épileptique, qui voue à sa mère un amour maladif, est emprisonné pour un délit mineur. Un compagnon de cellule, Vic Pardo, s'attire sa confiance : il s'agit en réalité d'un policier, placé auprès de lui pour infiltrer sa bande. Cody s'évade avec son nouvel ami et l'associe à ses actions criminelles. La police, prévenue par son agent, parvient à neutraliser le gang. Cody se retrouve seul, traqué dans une usine à gaz. Dans une crise de délire, il provoque une explosion générale et meurt au milieu des flammes en appelant sa mère.

Commentaire

Classicisme et fulgurations baroques

Le titre original de ce film, âpre, vigoureux, mené tambour battant, peut se traduire par « Chauffé à blanc ». Il s'applique à la fois au personnage central, l'une des figures les plus terrifiantes – et les plus approfondies psychologiquement – du film noir américain des années 1940, et au climat paroxystique de l'œuvre, point culminant d'un genre (le thriller) dont le réalisateur avait jeté les bases dans High Sierra (la Grande Évasion, 1941, avec Humphrey Bogart).

L'enfer est à lui cumule l'accent d'authenticité de l'analyse clinique (les crises de violence du protagoniste sont traitées à la façon d'un documentaire médical) et l'implacable déroulement de la tragédie : un exégète du cinéaste, Michel Marmin, parle à juste titre, à propos de l'éblouissante séquence finale, de « grande cuvée shakespearienne ». Il faut remonter aux chefs-d'œuvre du film criminel d'avant-guerre, aux Nuits de Chicago, à Scarface, pour trouver un tel dosage de fulgurations baroques et de sobre classicisme dans la conduite du récit. C'est là la touche inimitable du très grand cinéaste qu'est Raoul Walsh, également à l'aise dans les schémas du western, du film de guerre, de la comédie intimiste et du « policier ». Chacun de ses films – et celui-ci peut être regardé comme un prototype – obéit à une logique interne rigoureuse, à un enchaînement dramaturgique sans faille, à la stricte efficacité de l'action. Il est puissamment aidé ici par James Cagney, monstre sublime et pitoyable, catalyseur de tous nos instincts de mort, véritable Œdipe-roi de la délinquance contemporaine.

Une séquence de L'enfer est à lui nous montre Jarrett assistant à une projection dans un drive-in : sur l'écran, ce sont les images d'un film de guerre, Horizons en flammes (Delmer Daves, 1949), qui défilent. Comme si la fureur meurtrière de l'individu était reliée par un fil rouge à l'hécatombe collective.