Dès lors, la course à l'oreille est commencée : il faut s'attacher l'auditeur coûte que coûte, et c'est là l'ambition d'Europe 1, qui décide, dès la rentrée, de mettre sur pied, selon l'expression de son directeur des programmes, Philippe Gildas, un « véritable piège à auditeurs », sous forme de jeux, rubriques, séquences, hit-parade, l'un commençant alors que le précédent n'est pas encore conclu.

Guy Hockengheim et Jean-Luc Hennig, dont les petites annonces à caractère sexuel avaient été refusées l'an dernier par FR3, inaugurent le matin une sorte de service d'entraide avec la participation des auditeurs. On les retrouve encore le vendredi, tard dans la nuit, avec une complice baptisée CC, au milieu des confidences intimes d'auditeurs esseulés. Expérience éphémère. On ne donne pas néanmoins dans l'à-peu-près, à Europe 1, et surtout, on n'hésite pas à sortir les meilleures pièces de l'artillerie radiophonique : Thierry le Luron, Pierre Bellemare et, l'après-midi, Jean-Pierre Elkabbach qui fait, avec son émission Découvertes, sa rentrée sur les ondes.

Audience

Et pourtant la vague de sondages du CESP laisse, une fois encore, la station de la rue François-Ier, en seconde place pour l'audience moyenne. RTL garde la tête de l'écoute globale (23,7 %), bien que perdant presque deux points par rapport à l'année précédente. France-Inter perd aussi deux points par rapport à l'année précédente mais en gagne deux sur le printemps 82, tandis que RMC continue à perdre du terrain... Doit-on dire que c'est parce que la radio du Grand-Duché reste fidèle à sa famille d'animateurs, son style bon enfant (Casino Parade, Les grosses têtes) que son audience ne varie guère ? France-Inter doit-elle se reprocher d'avoir, sous la houlette de Jean-Pierre Farkas, tenté de rechercher un mieux, avec les mêmes voix, ou presque ? Est-il vrai qu'en ressemblant de plus en plus à une station périphérique la fille aînée de Radio-France avait de plus en plus de mal à faire écouter (et admettre) sa différence ?

Bafouillages, hésitations et tâtonnements ont été le lot de cette bande des quatre qui, jusqu'ici, se partageait le gâteau des ondes, s'affrontant en toute quiétude. Le 10 mai 1981, avec le nouveau régime, en insufflant tous azimuts ses élans novateurs, a mis la radio — comme la télévision — en état de répondre à ce défi. L'entrée officielle des radios privées locales s'ajoutant aux stations décentralisées du service public (Radio-Seine-et-Marne, Radio-Berry-Sud, Radio-Périgord, etc.) rend quelque peu la tâche plus aiguë...

Dans le même temps, on constate que des programmes — au départ plus spécialisés — voient également leur audience augmenter : que ce soit Radio 7 destinée aux jeunes, Radio-Bleue qui s'adresse aux personnes du 3e âge, et surtout France-Culture et France-Musique qui, au cours de l'été, parviennent à doubler leur public.

La rentrée 82 aura donc été chaude pour les stations privées et locales de la modulation de fréquence. Elles sont en cet automne près de 1 200 à attendre l'avis de la commission chargée de trier les projets et de soumettre la candidature à la Haute Autorité de l'audiovisuel pour une éventuelle autorisation d'émettre : on sait que 700 fréquences seront attribuées et que l'État accordera à chaque radio agréée une subvention de 100 000 F. Somme de départ qui, pour les années suivantes, sera modulée en fonction des ressources de chaque station.

Au mois de juillet, la commission, encore animée par André Holleaux, propose une liste provisoire, qui exclut certaines candidates (Fréquence Gaie, Radio-Libertaire, par exemple) et recommande le regroupement d'autres radios qui se réclament d'une même confession (radios chrétiennes), d'une même origine (radios issues de journaux et groupes de presse) ou d'un même propos (radios pour les communautés d'immigrés).

Cette liste provoque quelques mouvements de protestation, mais les dossiers suivent leur chemin jusqu'à la publication d'une première liste, en décembre 82, de 10 autorisations d'émettre. Une seconde liste de 14, début janvier 83. Ces stations se situent pour leur majorité dans le centre de la France, et l'on peut noter parmi elles, Radio-Chamalières, une station très proche de l'ancien maire de cette cité, l'ex-président Giscard d'Estaing.

Exception

Dans cette effervescence, on apprend que RFM, une radio située en Île-de-France entre Paris et Versailles, cesse d'être brouillée après 13 mois de programmes perturbés par les signaux de TDF. Forte d'un émetteur de 10 kilowatts (la loi limite la puissance d'émission à 500 watts maximum), la station couvrait toute la région parisienne et diffusait des spots publicitaires, autre situation de contravention.