Pour le professeur Peter Soenksen, membre de la sous-commission « Dopage et biochimie du sport » du CIO et endocrinologue à l'hôpital Saint-Thomas de Londres, on devrait enregistrer des progrès importants en matière de dépistage d'ici aux Jeux de l'an 2000, à Sydney. Un million de dollars ont été engagés par le CIO et par l'Union européenne dans la recherche. La mise au point d'une méthode de dépistage de la prise d'hormones de croissance est attendue pour la fin 1998, et, s'agissant de l'EPO, deux méthodes de recherches, complémentaires, sont selon Alexandre de Mérode*, président de la commission médicale du CIO « en passe d'aboutir ». L'une porte sur les signes extérieurs de prise d'EPO et l'autre sur l'identification du produit.

La lutte contre les nouvelles formes de dopage a aussi été marquée, en mars 1997, par les sanctions prises contre trois coureurs cyclistes professionnels convaincus – premier effet de l'autorisation accordée par l'Union cycliste internationale de procéder à des prélèvements sanguins – de s'être administré de l'EPO au cours de la course Paris-Nice. Jusqu'alors, les seuls prélèvements effectués lors d'épreuves sportives étaient urinaires (ce qui de facto interdisait pratiquement toute mise en évidence de prise de substances hormonales), les sportifs – ainsi souvent que leurs fédérations – s'opposant aux prélèvements sanguins comme susceptibles de réduire leurs performances.

Une option discutable, le « dopage » sous contrôle médical

La course-poursuite entre l'innovation en matière de dopage et la mise au point de nouveaux outils de dépistage des fraudeurs ne saurait masquer une question essentielle qui touche à la définition même du dopage et au statut du sportif professionnel dans une société où les enjeux financiers du sport de haut niveau n'ont jamais été aussi élevés. L'un des principaux arguments avancés par ceux qui estiment que l'administration de certaines hormones ne devrait pas être prohibée, mais médicalement contrôlée, est que la pratique intensive de la plupart des sports – a fortiori lorsque cette pratique est de haut niveau – provoque chez le sportif différents déficits hormonaux.

C'est notamment le cas, chez la femme, pour la progestérone et les œstrogènes et, chez l'homme, pour la testostérone. Pourquoi ne pas compenser, lorsqu'ils surviennent, ces déficits hormonaux et prévenir les troubles afférents ? Pourquoi, en d'autres termes, ne pas autoriser la mise en place d'un « dopage médicalement assisté » ?

Saisis de cette question essentielle pour l'avenir de nombreux sports professionnels, les sages du Comité national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé sont venus, dès 1993, au secours de ceux qui se refusent à s'engager dans cette voie. Pour ce comité, « les déficits hormonaux associés à la pratique sportive intensive sont la conséquence du caractère excessif de celle-ci, ils en constituent des symptômes d'alarme. » Aussi doit-on mieux « porter remède aux causes des déficits et non pas les compenser en maintenant les conditions qui les ont provoquées ». « Une telle attitude pourrait être préjudiciable à la santé des sportifs auxquels on ferait prendre un risque, souvent sous la pression des nécessités du spectacle et d'intérêts économiques », faisaient valoir les sages au terme d'une démonstration qui n'a rien perdu de son actualité et de sa pertinence.

Il n'en reste pas moins vrai que les pratiques dopantes se perpétuent et se répandent dans de nombreux sports, tout se passant comme si notre société ne parvenait pas à choisir entre le respect de la morale sportive traditionnelle et le plaisir du spectacle de ces nouveaux gladiateurs que sont, bien souvent, les sportifs de haut niveau.

Jean-Yves Nau, journaliste au Monde