Le retour du ministre français parmi ses collègues de la Défense des pays membres de l'Alliance ne signifie donc pas que Paris s'apprête à réintégrer les commandements alliés. Ainsi la France n'est toujours pas représentée au Comité des plans de défense (CPD) ni au Groupe des plans nucléaires (GPN). Le gouvernement français subordonne en effet l'évolution de son attitude atlantiste à la prise en compte de trois sujets qui lui tiennent à cœur : d'abord, la rénovation des structures militaires de l'OTAN ; ensuite, le concept des Groupes de forces interarmées multinationales (GFIM), qui devraient permettre aux Européens de mener des opérations en recourant à des moyens de l'OTAN, enfin la question de l'identité européenne de défense. En attendant d'avoir obtenu des assurances en la matière, la France a paru prête à détacher officiers et sous-officiers à l'état-major international du Comité militaire de l'OTAN, au sein duquel siège déjà depuis décembre 1995 le chef d'état-major français des armées. Par ailleurs, la France devra être associée au travail de planification des forces militaires de l'OTAN, dont elle entend qu'elles soient opérationnelles dès le temps de paix.

Ce nouveau pas en direction de l'Alliance peut être considéré comme le début d'une réflexion sur l'évolution des commandements au sein de l'OTAN, qu'il s'agisse de l'allégement et de la simplification des structures actuelles, du caractère multinational des commandements, de la subordination des divers échelons par rapport à la chaîne centrale et leur implantation territoriale, des affectations des dépenses par pays contributeurs ou encore des droits de survol. Des réponses à ces questions dépendent des implications concrètes, dont la moindre n'est pas de savoir jusqu'où la France pourrait aller dans l'affectation de son territoire à des zones de sécurité, propres à l'OTAN, voire si elle est prête à accepter d'abriter des commandements alliés sur son sol. Après avoir veillé jalousement sur son « outil » pendant trente ans, la France est confrontée à un aggiornamento pour le moins délicat.

À propos du refus indien de signer le traité d'interdiction définitive des essais nucléaires, le spécialiste, consultant auprès de l'ONU, Joseph Goldblat explique dans Libération (16/08/06) : « Le fond de l'affaire tient au fait qu'au sein même des cinq puissances nucléaires (États-Unis, Russie, France, Chine, Grande-Bretagne), le complexe militaro-industriel était hostile au traité. Les scientifiques nucléaires russes n'en voulaient pas, les militaires chinois voulaient garder une main libre, la Grande-Bretagne a voulu montrer qu'elle avait encore son mot à dire comme grande puissance et même dans le programme électoral républicain, il est envisagé sous certaines conditions de recourir à de nouveaux essais. (...) L'échec de la conférence du désarmement a démontré que ce forum de négociation issu de la guerre froide est désormais profondément inadéquat. »

Philippe Faverjon