Journal de l'année Édition 1995 1995Éd. 1995

En septembre déjà, l'annulation du voyage de Jean-Paul II à Sarajevo, où il est apparu impossible de garantir sa sécurité et celle des populations désireuses de l'entendre, augurait mal de l'avenir. Le souverain pontife avait tenu quand même à prononcer son message de paix en se rendant à Zagreb, mais celui-ci fut largement occulté et l'on remarqua l'absence du patriarche de Belgrade qui refusa de répondre à l'invitation papale.

La violence s'accroît encore au mois de novembre. Tenant compte de sa défaite aux élections de mid-term, le président Bill Clinton se plie aux injonctions de la nouvelle majorité républicaine au Congrès en annonçant que les États-Unis ne participent plus au contrôle de l'embargo sur les armes à destination de la Bosnie. Techniquement, la mesure est largement symbolique. Elle agit quand même comme un signal de première grandeur. Les belligérants en tirent la conclusion que seule la logique des armes paie et continuera de payer. Les Européens se sentent floués par la décision américaine, surtout les Britanniques et les Français qui ont les plus forts contingents sur le terrain. L'introduction massive d'armements ne pourra que rendre encore plus précaire le statut de leurs Casques bleus. Les Serbes de Radovan Karadzic repassent à l'offensive et regagnent rapidement le terrain perdu à la fin d'octobre et au début de novembre. Les combats redoublent d'intensité, notamment autour de Bihac où les forces de Pale n'hésitent pas à tirer des bombes au napalm sur leurs adversaires musulmans. Sans soulever pour autant de scandale international comme lors de la guerre du Viêt Nam, l'OTAN menace à nouveau les Serbes de représailles aériennes si ceux-ci continuent à harceler Bihac. Ils continuent quand même et, le 21 novembre, 30 avions occidentaux, dont 8 français, rendent hors d'usage un aéroport militaire serbe situé en Krajina (zone contrôlée par les Serbes en Croatie). Au lendemain du raid, le commandant en chef des forces serbes bosniaques, le général Ratko Mladik, envisage des opérations de représailles sur les soldats de la FORPRONU. Le cercle vicieux de l'impuissance et de la guerre atteint la perfection.

À la veille d'un nouvel hiver de guerre particulièrement cruel, alors que les tirs de snipers ont repris à Sarajevo même, le bilan est particulièrement sombre. Les Serbes de Bosnie continuent de défier la terre entière, persuadés qu'ils sont que la riposte internationale sera toujours inappropriée, en retard et trop timide.

Croatie

Au début de la quatrième année du conflit postyougoslave, la Croatie ne se trouve plus en état de guerre avec ses voisins. Cependant, un quart de son territoire, à l'est, est occupé par la « République autoproclamée des Serbes de la Krajina », dont le nouveau président, le colonel de police Milan Martic, a été élu le 23 janvier. Un cordon de 15 000 soldats de la FORPRONU sépare les positions croates et serbes de la Krajina.

L'autorité du président Franjo Tudjman s'est affaiblie : ses anciens fidèles Stipe Mesic, le président du Parlement, et Josip Manelic, ancien Premier ministre, ont fondé un Parti des démocrates indépendants de Croatie. Leurs principaux griefs envers le président visent sa politique à l'égard de la Fédération croato-bosniaque et sa manière trop autoritaire d'exercer le pouvoir. En septembre, lors de la visite du pape à Zagreb, le président Tudjmari espérait un soutien pontifical à l'État croate. Jean-Paul II fait savoir qu'il venait seulement en pèlerin de la paix.

Le gouvernement pratique une politique économique rigoureuse, ce qui favorise l'obtention d'aides internationales. Revers de la médaille, la corruption s'étend et l'on assiste parfois à la transformation graduelle des dirigeants politiques en hommes d'affaires. Ainsi Mate Boban, chef des Croates de Bosnie, est devenu, après sa démission, président adjoint d'une entreprise de transport qui assure l'acheminement, légal ou illégal, d'armes et d'essence à destination de toutes les parties engagées dans le conflit...

Kosovo

Après la Bosnie, le Kosovo (partie sud de la Serbie, autrefois région autonome) est une source possible de conflit. À 90 % albanaise, la population accepte difficilement un pouvoir serbe exercé d'une façon autoritaire, certains disent même « terroriste ». En septembre, le chef du Parti nationaliste-radical, Ushin Hoti, est condamné à 5 ans de prison pour avoir prôné la sécession d'avec la Serbie. Depuis le début de l'année, plus de 70 Albanais du Kosovo ont été ainsi poursuivis. Ibrahim Rugova, clandestinement élu président du Kosovo en 1993, appelle à la non-violence et réussit à grouper autour de lui la majorité de la population.

Macédoine

Située à l'extrême-sud de l'ex-Yougoslavie, la Macédoine connaît toujours de graves problèmes avec la Grèce. Saisie d'un recours d'urgence, la Cour européenne de Luxembourg a refusé de condamner la Grèce, mais continue d'examiner la question de la Macédoine.