Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

L'éclatement du corps contemporain est aussi largement traité dans les expositions de cette année. Même Picasso, dans ses natures mortes exposées au Grand Palais, nous entretient du corps décomposé et de la féminité. Au musée d'Art moderne de Nice, l'exposition sur « le portrait depuis 1945 » dévoile une époque qui n'a de cesse de griffer ou déformer la figure. Francis Bacon (mort le 28 avril) est un des pionniers de cette génération. La Fondation Cartier de Jouy-en-Josas aborde la question du rapport de l'homme à sa propre image de façon plus anthropologique (« À visage découvert »). Sous la direction du philosophe et historien d'art G. Didi-Huberman, elle rapproche des œuvres de la préhistoire à nos jours, toutes époques et cultures confondues. Une Tête d'homme cubiste de Picasso voisine avec un masque mortuaire traditionnel du Gabon pour nous parler de l'éternelle énigme du visage. L'exposition intitulée « Désordres », qui rassemble à la Galerie nationale du Jeu de paume cinq artistes contemporains, alimente quant à elle le débat sur la condition actuelle du corps. À l'ère du sida, les propositions de ces jeunes artistes traitent de l'obscène, du refoulement et de la vitalité, à l'exemple de Kiki Smith qui installe au sol des organes ou des viscères réalisés à partir de plâtre, cire ou gaz. Ces préoccupations trouvent de nombreux échos à l'étranger, notamment à la neuvième Documenta de Kassel, en Allemagne.

Pour clore ce panorama, nous citerons brièvement, pour leur grande qualité, l'exposition consacrée à l'architecture brutaliste de l'Américain Louis Kahn au Centre Pompidou, celle des sculptures fragiles et tactiles de Clodion, le « Fragonard de la terre cuite » au Louvre, et celle enfin des œuvres de l'artiste brésilien Hélio Oiticica, dont on découvre avec joie les « espaces d'exploration sensorielle » au Jeu de paume. Nos sens auront particulièrement été sollicités cette année.

Les Étrusques, la fin d'un mystère, de J.-P. Thuillier aux éditions Découvertes-Gallimard. Toulouse-Lautrec, de Götz Adriani chez Flammarion ; Rouault de Bernard Dorival, Flammarion, collection « Les Maîtres de la peinture ».

Pascal-Louis Rousseau