Journal de l'année Édition 1991 1991Éd. 1991

Ayant plus de chances de sortir rapidement de la crise grâce à l'unification, la population de l'ancienne RDA connaît pourtant une période très pénible. Depuis le 1er juillet, date du début de l'union économique et monétaire interallemande, l'introduction brutale de l'économie de marché a entraîné un chômage considérable : juste avant l'unification, qui a été réalisée le 3 octobre, on comptait 500 000 sans-emploi, et 1,6 million de chômeurs techniques.

Après ses aides alimentaires envoyées d'urgence à la Pologne et à la Roumanie le 20 janvier, la CEE a décidé le 4 juillet d'attribuer 14 milliards de francs à l'Europe orientale, à l'exception de la Roumanie et de l'Albanie. La Communauté détient en outre 51 % du capital de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, qui a été créée le 29 mai, et disposera, à partir du 1er avril 1991, de 12 milliards de dollars pour aider les pays de l'Est.

Laurent Leblond

Fragile Roumanie

Dès les premiers jours de janvier, soit deux semaines après les événements de Timisoara qui marquèrent le début de l'agonie du régime de Nicolae Ceausescu, alors que la Roumanie semblait se réveiller d'une longue nuit politique, des manifestations éclatent à Bucarest pour dénoncer la mainmise des anciens communistes sur le Conseil du Front de salut national (CFSN), le nouvel organe dirigeant du pays. Ces premières manifestations portent en germe toutes les ambiguïtés, mais aussi toutes les violences qui ont marqué l'année 1990 en Roumanie et ont fait de ce pays la plus controversée des anciennes démocraties populaires.

Iliescu plébiscité

Les 28 et 29 janvier, des dizaines de milliers d'ouvriers appelés au secours par les dirigeants passent déjà à deux doigts de l'affrontement physique avec les 50 000 personnes venues demander la dissolution du Front. Le 2 février, quatre anciens collaborateurs directs de Nicolae Ceausescu sont condamnés à la prison à vie au terme d'un procès sans envergure. D'autres procès sont ensuite organisés, dont celui de Nicu Ceausescu, le digne fils du tyran, qui est condamné à 25 ans de prison. Le 18 février, de 3 000 à 4 000 manifestants prennent d'assaut le palais du gouvernement avant d'être chassés par une intervention musclée de l'armée. Le lendemain, 5 000 mineurs de la vallée du Jiu arrivent à Bucarest à l'appel du gouvernement.

Le 20 mars, six personnes trouvent la mort à Tirgu-Mures, ville de Transylvanie peuplée pour moitié de Hongrois et pour moitié de Roumains. L'intervention des blindés empêche que le conflit ethnique − « qui date de mille ans », dit-on ici − ne se transforme en massacre. Alors que la campagne électorale en vue des élections générales du 20 mai débute dans l'ambiguïté, les opposants les plus irréductibles − traités de « golans » (voyous) par le président Iliescu − occupent la place de l'Université à Bucarest. Le résultat de l'élection présidentielle − qui, selon la plupart des observateurs internationaux, s'est déroulée « à peu près normalement » − est sans appel. M. Ion Iliescu est plébiscité par 85,07 % des suffrages ; le candidat libéral, M. Radu Campeanu, n'en obtient que 10,64 % et le représentant du Parti national paysan, M. Ion Ratiu, 4,29 %. Lors des élections législatives, le Front de salut national remporte 66,31 % des voix et l'Union démocrate magyare arrive en deuxième position avec 7,23 % des voix.

Tout recommence

L'occupation de la place de l'Université se poursuit. Le 12 juin, lorsque la police décide de la faire évacuer, l'émeute gronde de nouveau. Les manifestants mettent le feu au siège de la police et attaquent celui de la télévision : on relève quatre morts et près de cent blessés. Le lendemain, venus de province dans des trains spécialement affrétés par le gouvernement, des milliers de mineurs débarquent à Bucarest et entreprennent de faire régner la terreur dans la capitale. Lorsqu'ils quittent une ville abasourdie, la réprobation internationale est unanime. Les États-Unis décident de boycotter la cérémonie d'investiture du président Iliescu le 20 juin et les Européens excluent la Roumanie d'une partie de leur programme d'aide aux pays d'Europe de l'Est.