Changements aussi dans l'organisation du Parti afin d'éviter toute interférence entre sa gestion et celle de l'État, notamment par le truchement de personnes présentes dans les deux hiérarchies. Le Congrès établit une séparation totale entre les deux corps et invite le Parti à s'occuper de ses propres affaires. Le Politburo perd de l'autorité et n'a plus que des membres titulaires ; le statut de « candidats » disparaissant, ses effectifs décroissent. Le secrétariat du Comité central, jadis véritable gouvernement de l'URSS, semble destiné à assumer de simples tâches administratives, comme l'absence de personnalités marquantes en son sein permet au moins de le supposer. À l'issue du Congrès, les grands organes du Parti sortent ainsi affaiblis par ces recompositions qui concentrent l'autorité sur la tête du président et sur celle de son adjoint.

Par-delà ces changements dans les principes et dans l'organisation, le Congrès est pour Gorbatchev l'occasion d'évincer − par les votes ou par les changements structurels − la plupart de ses adversaires. Ligatchev éliminé du Sommet et même du Comité central et parti peu après à la retraite, des organes centraux remodelés, Gorbatchev paraît enfin maître du pouvoir, au sein du Parti comme de l'État.

La Russie contre l'URSS

Pour autant, cette habile manœuvre politique débouche sur une « victoire à la Pyrrhus ». En juillet, il vainc l'arrière-garde des « conservateurs », mais il ne peut enrayer la montée triomphale des leaders politiques de la Russie. Du 20 au 23 juin, le Congrès constitutif du Parti communiste de Russie s'était tenu à Moscou, portant, par cette création même, un coup très dur au futur congrès du PCUS. En se dotant de son propre parti − qui lui manquait depuis la fondation de l'URSS −, la plus importante République soviétique commençait à saper l'autorité prééminente du centre, du Parti central, et du président. Le ton très « antigorbatchévien » de ce congrès ne pouvait laisser de doutes sur la nature des rapports qui allaient s'établir entre les deux centres du pouvoir.

L'évolution conflictuelle entre Gorbatchev et la Russie allait s'accentuer au cours du Congrès du PCUS. Champion du « libéralisme » contre les « conservateurs », Gorbatchev est alors dépassé dans cette position libérale par les principaux responsables politiques de la République de Russie, Boris Eltsine, président du Parlement de Russie élu en mars, et les maires de Moscou (Gavril Popov) et de Leningrad (Anatoli Sobchak). Tous trois ont démissionné avec éclat du Parti communiste en invoquant le fait que leurs responsabilités dans une Russie où le pluralisme était un principe fondamental du système politique leur interdisaient de rester membres d'un parti qui n'avait jamais accepté le pluralisme.

Ces sorties bruyantes du PC au nom d'un tel principe ont tout à la fois placé Gorbatchev dans la délicate position d'un communiste impénitent à l'heure où le Parti − symbole de conservatisme − était discrédité et fait surgir face à lui des chefs politiques à la popularité grandissante et attestée par les sondages. Dès le mois de juillet, Boris Eltsine apparaît ainsi en position, non de rival de Gorbatchev au niveau soviétique, mais de chef légitime de la Russie, face au chef de l'URSS, entité politique de plus en plus indéfinie.

Cette position inconfortable explique que la fin de l'année soit marquée par un certain rapprochement entre Mikhaïl Gorbatchev et le Parti communiste, dont le président de l'URSS, devant la montée des désordres, se plaît à reconnaître le rôle agrégateur.

Germes de démocratisation

Pour spectaculaires qu'elles soient, les évolutions institutionnelles ne doivent pas dissimuler l'importance des lois qui favorisent le développement de la société civile. En juin et en septembre, le Soviet adopte deux lois sur le statut des députés, leurs obligations et leurs droits. Il s'agit ici de remplacer des députés sans autorité, sans devoirs et sans représentativité par de véritables élus capables de constituer un pouvoir représentatif qui accélérera la marche vers la démocratie.