Journal de l'année Édition 1991 1991Éd. 1991

Deux enquêtes successives, menées sous l'égide de l'Unesco en 1973 et en 1983, ont décrit la structure des importations et des exportations de programmes par pays et par genres. En 1973, quatre pays étaient très autonomes du point de vue télévisuel : les États-Unis, la Chine populaire, le Japon et l'URSS ; leurs importations respectives étaient inférieures à 5 %. En revanche, les pays latino-américains et le Proche-Orient étaient déjà de très gros importateurs, avec plus de 50 % de produits importés diffusés. Les quatre grands pays exportateurs étaient les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne fédérale ; en 1973, leurs exportations représentaient respectivement 150 000, 30 000, 15 000 et 6 000 heures de programmes. Le tiers des exportations américaines était absorbé par l'Amérique latine, un autre tiers par l'Extrême-Orient et l'Asie du Sud-Est, le reste par l'Europe occidentale et, dans une moindre mesure, par le Moyen-Orient et l'Afrique. Les divertissements (feuilletons, séries et films) constituent l'essentiel de ces programmes.

La Grande-Bretagne arrivait immédiatement derrière les États-Unis, mais avec un volume d'exportation cinq fois inférieur : les pays destinataires étaient les États-Unis d'abord, puis l'Extrême-Orient et l'Australie-Nouvelle-Zélande, l'Europe ne représentant que 10 %. La position de la France ne reflétait que celle des services commerciaux de l'ORTF, qui exportait aux environs de 15 000 heures. Les deux tiers étaient dirigés vers l'Afrique, puis vers le Moyen-Orient, l'Amérique latine et l'Extrême-Orient. En Amérique du Nord, les programmes français ne touchaient que le Canada. Encore faut-il tenir compte dans ce cas du fait qu'une part importante de ces exportations était en fait composée de programmes « offerts » dans le cadre d'accords de coopération. Étant donné le faible rayonnement de leur langue, les Allemands avaient fait le choix de la traduction et du doublage. Leurs principaux débouchés étaient l'Afrique, l'Asie, l'Amérique latine et l'Europe, à peu près à parité.

Cette géographie des échanges ne reflétait pas complètement la géographie des ressources financières des exportations : la plus grosse part des recettes dégagées par les exportations provenait des ventes dans les pays développés : Europe occidentale et Amérique du Nord.

Dix ans plus tard, en 1983, la situation était à peu près identique. Les programmes importés représentaient toujours le tiers de la programmation totale et le divertissement restait dominant. Toutefois, certains changements apparaissaient au niveau régional. En Europe occidentale, les importations américaines se stabilisaient autour de 40 % des importations totales, l'Europe fournissant 36 %, l'UER 7 % et le reste du monde 15 %. La France devenait un gros acheteur. Elle est passée de 325 heures achetées en 1980 à 450 en 1985, alors que sa place dans l'exportation déclinait. En 1988, elle n'a ainsi commercialisé que 2 112 heures sur 8 769 distribuées.

Le Japon apparaît désormais comme un acteur important de ce marché. En 1980, il avait exporté 4 500 heures de programmes, dont 2 500 de dessins animés qui ont fait une percée significative dans les programmes pour enfants des télévisions occidentales. En revanche, fidèle à sa ligne protectionniste générale, il n'avait importé que 2 300 heures. En Amérique latine, c'est le Mexique qui reste le plus gros exportateur avec 24 000 heures, mais le Brésil, grâce à ses productions de « telenovellas », joue également un grand rôle. Globalement, l'Amérique latine importe 50 % de ses programmes, dont 75 % des États-Unis. Les pays arabes restent eux aussi gros importateurs, avec 42 % des programmes diffusés importés, dont 33 % en provenance du monde arabe et 30 % des États-Unis.

L'impitoyable réalité économique

Cette domination des États-Unis a suscité des débats internationaux nombreux, en particulier sur la mise en œuvre d'un « nouvel ordre mondial de l'information et de la communication ». Plus concrètement, la CEE a cherché à se doter d'un cadre juridique qui, sans être trop protectionniste, favorise la circulation intra-européenne des productions des États membres et permette le développement d'une véritable industrie européenne de la production pour mieux concurrencer les États-Unis. C'est ainsi qu'a été adoptée en mars 1989 la Directive sur la télévision sans frontière qui inaugurait une politique de quotas. Des programmes communautaires de soutien à la production ont été également mis en place dans le cadre des programmes MEDIA 92 et EUREKA-Audiovisuel.