En France, les réserves totales constituées par les eaux de surface (rivières et lacs), par les nappes superficielles et par les nappes profondes (à plus de 100 m de la surface du sol) seraient de 1 000 milliards de m3 environ. Arithmétiquement donc, aucune pénurie n'est à craindre dans le futur proche, mais il faut être prudent et apprendre à gérer au mieux ces réserves vitales. Les ressources disponibles en eaux superficielles sont assujetties aux précipitations et toute sécheresse prolongée peut les réduire considérablement ; l'exploitation des eaux profondes, apparemment moins sensibles aux pollutions, est onéreuse et risquée dans la mesure où les « stocks » d'eaux fossiles ne sont généralement pas renouvelés dans les conditions climatiques actuelles.

Le prix à payer

L'homme moderne est de plus en plus « aquavore » et, comme dans les pays développés ouvrir un robinet est un geste habituel et banal, il n'est pas étonnant que les besoins et la consommation augmentent si vite. Un Français consomme 150 litres d'eau par jour, soit 3 fois plus qu'en 1965. Ses besoins quotidiens se répartissent ainsi : boisson et cuisine, 3 litres ; toilette, 10 litres, bain et douche, 45 litres ; lavage du linge, 20 litres ; vaisselle, 10 litres ; W-C, 45 litres ; nettoyage ménager, 8 litres ; jardinage, 6 litres ; lavage auto, 3 litres. Un Suisse consomme 265 litres, alors que 10 litres « suffisent » à l'habitant du Sahel.

La consommation d'eau, fonction du niveau de vie, double tous les 15 ans. Sait-on, par exemple, qu'une automobile à la sortie de la chaîne, qu'une tonne de textile artificiel nécessitent respectivement 110 et 1 300 m3 d'eau ? que 580 m3 sont nécessaires à la production d'une tonne de fourrage vert ? qu'une machine à laver le linge use 150 litres d'eau ? Le mythe de l'abondance pourrait être remis en cause par l'ampleur et la diversité des pollutions des cours d'eau et des aquifères superficiels et par l'insuffisance de la capacité des moyens de traitement des eaux usées. Il faut alors s'attendre à payer, à son prix réel, l'eau du robinet qui, du forage ou de l'unité de traitement au lieu de consommation, exige des investissements de plus en plus lourds. Selon l'INSEE, la dépense en eau potable d'un ménage représente 0,7 % de ses dépenses totales soit autant que les produits d'entretien (savons et poudres divers), mais cinq fois moins que le gaz et l'électricité. Au prix moyen de 4,80 F le m3, l'eau est-elle un produit cher ?

Philippe C. Chamard