Dans le domaine des transports ferroviaires, il convient de faire une nette distinction entre le trafic voyageurs et le fret. Le trafic du fret régresse légèrement d'année en année : le développement du transport combiné (train + voiture) et du transport intermodal (produits arrivant par mer, transportés ensuite par chemin de fer dans l'intérieur du pays, puis livrés par camion) ne parvient pas à compenser la concurrence du transport routier, plus souple, mieux adapté et moins coûteux.

Quant au trafic voyageurs, bien avant la réalisation des trains à grande vitesse, sa croissance augmentait déjà régulièrement de 2 % l'an environ. Cette hausse était généralement due à la multiplication des déplacements d'affaires, des voyages en famille ou des périples touristiques. Avec la mise en service des TGV, cette progression s'est encore accentuée.

Menaces d'étouffement

Dans le domaine des transports urbains et interurbains, l'accroissement du trafic lié à l'usage de l'automobile est plus fort. Il est également plus inquiétant du fait des désagréments qu'il entraîne pour la population et la vie urbaines. Les causes de cette évolution sont bien connues : outre l'attachement des individus à ce moyen de locomotion indépendant, très souple et socialement très symbolique, ce responsable de l'asphyxie des métropoles a influencé tous les modèles de développement urbain qui ont prévalu dans les pays industrialisés depuis le début du XXe siècle. L'essentiel de la croissance démographique ayant lieu dans les zones urbaines, où se sont progressivement concentrés près des trois quarts de la population de chaque pays, et les agglomérations s'étalant sur des zones de peuplement moins dense, l'automobile est rapidement apparue comme l'instrument indispensable pour se libérer des contraintes de la vie dans les grandes villes et comme le moyen de déplacement de loin le plus pratique. Le taux de motorisation ne pouvait donc qu'augmenter.

En contrepartie, les transports publics locaux, souvent réservés aux plus défavorisés, devaient nécessairement traverser une crise grave. Les moyens financiers manquent pour les moderniser et les réseaux sont inadaptés aux nouvelles contraintes qu'engendre la vie moderne.

Enfin, il convient de ne pas oublier l'armement maritime. Il n'a pas été le dernier à profiter de la hausse du trafic des voyageurs et du fret entraînée par l'expansion économique et par l'amélioration du niveau de vie des familles.

Pour certaines liaisons, comme Grande-Bretagne-Continent, le trafic passagers a atteint des chiffres tels que son développement futur présumé a pesé sur la décision de creuser le tunnel sous la Manche.

Si de nombreuses entreprises de transport, principalement les compagnies aériennes (celles qui ont survécu à la déréglementation), ont pu tirer avantage de cette situation (par l'amélioration de la rentabilité ou tout au moins par l'équilibre de leurs comptes financiers), il n'en demeure pas moins que les usagers (particuliers comme entreprises) se sont plaints des gênes occasionnées par un trafic trop abondant à certaines heures de la journée ou à certaines périodes de l'année. À leurs yeux, la dégradation des conditions de transport observée dans certaines situations pourrait provenir de ces désagréments mêmes.

Cette détérioration se manifestait déjà depuis longtemps dans le domaine des transports urbains. Ce n'est que plus récemment qu'elle a affecté les transports aériens, pourtant réputés pour la qualité du service assuré à la clientèle.

L'agglomération parisienne est l'exemple qui illustre le mieux cette évolution, dont le caractère pourrait sembler irréversible. La ville est perpétuellement menacée de congestion, voire d'asphyxie. Le trafic sur voies rapides en Île-de-France, qui progressait de 3 % par an entre 1980 et 1986, augmente du même pourcentage tous les semestres depuis cette dernière date sur l'ensemble du réseau, et l'on retrouve ainsi les taux que l'on avait connus dans les années 1970.

Entre 1974 et 1986, les véhicules recensés sur ces voies rapides ont augmenté de 600 %, soit d'un taux annuel de l'ordre de 34 % ; environ 43 % des embouteillages relevés sur l'ensemble du territoire français se produisent sur le réseau express de la région parisienne ; sur les 30 principaux bouchons (en heures/km), 28 sont franciliens et font paraître bien anodin le traditionnel encombrement du tunnel de Fourvière à Lyon ; pendant la journée, certaines voies sont saturées d'une façon quasi permanente. D'un autre côté, la vitesse commerciale des autobus est tombée à 14 km/h dans la banlieue parisienne et à moins de 12 km/h dans la capitale.