Enfin, il a été beaucoup question d'une solution imaginée par les chefs des délégations américaine et soviétique, Nitze et Kvitsinski, lors d'une promenade dans les bois pendant l'été 1982. Les Américains auraient renoncé au déploiement des Pershing II et se seraient bornés à un déploiement limité de missiles de croisière en échange d'une réduction drastique des fusées SS 20. De nombreux gouvernements européens et notamment le président Mitterrand ont déploré que cette formule n'ait pas été finalement retenue comme une base pour un compromis entre les deux supergrands.

La crédibilité de l'OTAN

Aujourd'hui, la décision d'installer des armes nucléaires de théâtre en Europe soulève des problèmes épineux et la vigueur des manifestations antinucléaires dans les pays directement intéressés met en évidence la faiblesse du consensus social. En RFA, le parti social-démocrate, qui participait à l'exercice du pouvoir quand la décision de modernisation a été prise, s'est prononcé contre le déploiement des Pershing II et le gouvernement chrétien-démocrate/libéral présidé par H. Kohl s'efforce d'infléchir la politique des deux Grands dans un sens favorable à la négociation. Toutefois, les moyens d'action dont disposent les alliés tributaires pour leur sécurité des États-Unis sont limités et, en cas d'échec des pourparlers de Genève, les pays de l'OTAN ne sauraient répudier les engagements qu'ils ont pris sans provoquer une crise majeure dans l'alliance.

À l'origine, le chancelier Schmidt a pu considérer que le déploiement de systèmes d'armes nucléaires terrestres sur le continent aurait pour effet de rendre visible l'engagement américain pour la défense de l'Europe et de dissiper les craintes relatives au découplage. Il apparaît aujourd'hui que les effets psychologiques escomptés ne se sont pas produits, que l'éventualité du déploiement des Pershing se heurte à l'hostilité grandissante de l'opinion et que, même d'un point de vue militaire, la solution retenue suscite des réserves. En définitive, l'objectif est de restaurer la crédibilité de la stratégie de l'OTAN, et il importe peu que ce soit avec des fusées terrestres, dont la mobilité dans les zones urbanisées à forte densité démographique serait limitée, ou avec des fusées basées en mer, celles-ci présentant l'avantage d'être moins vulnérables. Peut-être parviendra-t-on à surmonter la crise des euromissiles lorsqu'on aura pris conscience de la dimension politique du problème et des exigences de la stabilité à l'âge nucléaire. Mais une telle attitude suppose que l'on rompe avec le fétichisme des techniques d'armement, auquel on a trop sacrifié jusqu'à présent.

Jean Klein