Quelques jours plus tôt, des policiers avaient dû battre en retraite, tant sous l'assaut menaçant des voyous que pour éviter un affrontement avec le public.

Agressions

Ce n'est pas la première fois que les cris « police raciste » ou « sales flics » retentissent dans une galerie marchande. La brutalité de certains policiers, la pauvreté des voleurs, leur jeunesse — 60 % ont entre 14 et 17 ans — poussent souvent les témoins à choisir leur camp.

Le même phénomène s'observe dans le métro. Le 24 novembre 1981, à la station Faubourg-Saint-Denis, deux policiers interpellent deux jeunes Antillais pris en flagrant délit de vol à la tire. L'un des voleurs réussit à désarmer un policier. Dans la bousculade, un coup de feu part et blesse l'agent à la jambe. Les voleurs prennent la fuite, protégés par la foule des voyageurs qui crie au racisme.

Les scènes de violence deviennent banales. Le 12 mars 1982, une fois de plus, quelques énergumènes malmènent des voyageurs et agressent le conducteur de la rame de métro, à la station Cité.

Les policiers appelés en renfort sont violemment pris à partie par les voyageurs ; deux gardiens sont blessés, un troisième grièvement atteint est hospitalisé. Le Syndicat autonome des agents de conduite lance un ordre de débrayage immédiat pour protester contre cette agression sauvage et demande que les dispositifs de sécurité soient renforcés.

D'autres interventions qui se veulent généreuses sont plus explicables, puisque sans blessés ni coups de feu, mais elles sont tout aussi absurdes : à la station Havre-Caumartin, en octobre 1981, un jeune pickpocket, libéré par la colère antiflic du public, s'enfuit avec les 200 F volés dans un sac. Sa victime et le policier, frappés par un coup de poing anonyme, peuvent seulement porter plainte. 60 % des interventions de policiers dans le métro parisien se soldent, au moins par des injures pour les représentants de l'ordre.

Bandes

Les jeunes voyous exploitent cette réaction du public. Des bandes organisées quadrillent les wagons : un de ses membres opère discrètement, les autres se tiennent prêts à crier au racisme pour rameuter le public au moindre signe d'intervention d'un des 141 policiers de la Compagnie de contrôle et de sécurité du métropolitain.

En un an, les vols à la tire dans le métro ont augmenté de 50 %, le vandalisme atteint 10 millions de F. Mais 803 agressions et 2 000 vols pour 1980, ce n'est pas grand-chose au regard des 5 millions de passagers transportés chaque jour.

Cette nouvelle forme de délinquance est, le plus souvent, le fait de jeunes de la deuxième génération, fils de Maghrébins ou d'Africains nés en France. Expression passée dans le vocabulaire courant, à l'automne 81.

Rodéos

En quelques semaines, des cités comme La Grappinière à Vaux-en-Velin, les Buers à Villeurbanne, les Minguettes à Vénissieux sont devenues symboles de cette nouvelle délinquance et de son exploit : le rodéo.

La recette est simple. On vole, en ville, une voiture puissante — BMW ou Golf GTI — et on va faire du gymkhana sur le parking de sa cité pour épater les copains et réveiller les voisins. Quand le réservoir est presque vide, on met le feu. Si les pompiers interviennent, on les accueille à coups de pierres. Le cas échéant, les adultes prêtent main forte pour se bagarrer avec les policiers appelés en renfort. Quatre-vingt-deux voitures ont ainsi été incendiées dans la région lyonnaise entre le 29 août et le 15 octobre 1981.

La police a eu beau s'équiper de R18 Turbo pour courser les voleurs, se montrer pour faire peur ou être discrète pour éviter les provocations, seul l'hiver est venu à bout du phénomène.

Excédés, des élus de gauche de la région souhaitent pour ces immigrés le rétablissement des expulsions dans certains cas. Mais ces jeunes chômeurs possèdent le plus souvent la nationalité française et sont quasi inexpulsables. Même si la majorité de ces cités sont des habitants innocents, elle fait corps contre la police avec la minorité violente.

Il est vrai que, malgré les consignes très fermes du ministre de l'Intérieur, G. Defferre, le racisme n'est pas toujours absent sous l'uniforme.