Adolfo Suarez ne parvient pas à reconquérir sa popularité perdue. Son habileté légendaire est devenue inefficace. Pour conjurer le mauvais sort, le ministre de l'Intérieur, J. J. Roson, brandit le commode paratonnerre de la xénophobie. C'est la France, affirme-t-il à plusieurs reprises, qui protège le terrorisme basque.

Les relations entre les deux pays n'ont jamais été aussi mauvaises, surtout depuis que le président Giscard d'Estaing a déclaré publiquement que l'intégration de l'Espagne dans la CEE serait longue. Le 23 novembre, trois inconnus abattent deux personnes et en blessent dix autres dans un bar d'Hendaye, avant de se réfugier en Espagne. Un réfugié basque espagnol est tué en plein Biarritz, le 30 décembre, par des inconnus qui prennent la fuite.

Le changement de régime en France ne paraît pas devoir améliorer l'atmosphère. La visite de Cl. Cheysson à Madrid, celle de Calvo Sotelo à Paris, le 12 juin, ne peuvent faire oublier la déclaration de Pierre Mauroy, selon laquelle il n'y aurait pas d'extradition de militants de l'ETA.

Démission

La démission d'AdoIfo Suarez, le 29 janvier 1981, provoque la première véritable crise politique de la jeune démocratie, et prend tout le monde par surprise : « J'ai subi une importante usure personnelle durant mes cinq années comme président du gouvernement, mais aucune autre personne n'a gouverné démocratiquement pendant aussi longtemps ces 150 dernières années en Espagne (...). Je ne voudrais pas que le système démocratique soit, une fois de plus, une parenthèse dans l'histoire de notre pays. »

Pour son premier voyage officiel au Pays basque, début février, Juan Carlos est conspué au parlement régional par les élus d'Herri Batasuna, parti proche de l'ETA. Seul le flegme du roi transforme l'affront en succès.

J. M. Ryan, ingénieur travaillant à la centrale nucléaire de Lemoniz, est assassiné le 6 février 1981 par l'ETA, qui l'avait enlevé une semaine plus tôt. Ce premier crime écologiste soulève l'indignation de la population.

Mais le décès suspect, le 13 février, d'un militant de l'ETA, J. Arregui Isaguirre, dans une cellule de Carabanchel, provoque de véritables émeutes au Pays basque. Pour apaiser l'opinion, cinq policiers qui avaient participé à l'interrogatoire sont arrêtés. Du coup, sept hauts fonctionnaires de la police démissionnent et 200 autres policiers menacent d'en faire autant.

C'est dans ces circonstances que Leopoldo Calvo Sotelo, chef du gouvernement désigné par le roi, présente son programme devant les Cortes. Mais il lui manque sept voix pour obtenir la majorité absolue nécessaire pour l'investiture. Le second tour est renvoyé au 23 févier.

Otages

C'est un lundi. Il est 18 h 30 et les 350 députés sont réunis dans l'hémicycle, quand un officier de la garde civile, suivi de quelque 150 hommes, fait irruption, pistolet au poing. « Tout le monde au sol », commande-t-il, et des coups de feu sont tirés vers les plafonds.

Durant dix-huit heures, le lieutenant-colonel Tejero va tenir en otages les parlementaires, en attendant la suite du golpe qui ne viendra pas. À 1 h 15 du mardi 24, le roi, qui s'est employé depuis le début de la soirée à rallier les chefs militaires, apparaît en grand uniforme sur les écrans de télévision : « La couronne, symbole de la permanence de l'unité de la patrie, ne peut tolérer aucune forme d'action ou d'attitude de personnes qui prétendent interrompre par la force le processus démocratique... »

Complicités

L'enquête devait révéler de nombreuses complicités dans l'armée, notamment dans le haut commandement : le lieutenant général Armada, chef adjoint d'état-major, et le capitaine général Milans del Bosch, commandant militaire de la région de Valence, seront inculpés et mis aux arrêts, de même que plusieurs officiers de moindre grade.

Mais le gouvernement Calvo Sotelo, finalement investi le 25 février, juge préférable de ne pas sévir trop rudement, de crainte de provoquer une réaction dans l'institution militaire. Certains officiers impliqués sont rapidement libérés, et le lieutenant-colonel Tejero bénéficie d'un régime de faveur dans sa cellule madrilène, avant d'être expédié en Galice.