Elles approchent, dans un désordre politique croissant, la fameuse bi-polarisation (alpha et oméga de la politique, sous la Ve République), résistant de plus en plus laborieusement à ce qui tourne au match à quatre. Le Premier ministre a beau s'entourer de ministres d'État (un centriste, un républicain, un gaulliste) et confier à Olivier Guichard la coordination de la majorité présidentielle, les craquements se font assourdissants.

La fronde

Jacques Chirac tente en effet une sorte d'OPA sur la majorité. À Égletons, il appelle à un « vaste rassemblement populaire ». À la porte de Versailles, le 5 décembre 1976, il fonde son propre mouvement, le RPR. Cette fois-ci, le néo-gaullisme se métamorphose bel et bien en chiraquisme. Alors qu'aux élections législatives partielles les giscardiens perdent des sièges au bénéfice du PS, lui s'est fait réélire au premier tour en novembre, comme son coéquipier Jean Tibéri à Paris.

Alors que l'Élysée soutient pour la mairie de la capitale la candidature de Michel d'Ornano, fidèle du président, voilà que Jacques Chirac se met lui-même sur les rangs, et, surtout, alors que les élections municipales de mars 1977 tournent au triomphe de la gauche unie, le PC remportant 72 des 221 grandes mairies et le PS 81, Jacques Chirac parvient à s'installer à l'Hôtel de Ville de Paris.

Dès lors, la situation se clarifie : le PC, plus eurocommuniste que jamais, rejette le stalinisme, adopte la force de frappe, prône l'alternance et morigène l'Union soviétique, cependant qu'au PS François Mitterrand — après le congrès de Nantes — fait plus que jamais figure de maître à bord et de contre-président.

Le RPR de Jacques Chirac fronde le gouvernement, déplore la montée du chômage, blâme la politique européenne. Le programme de Blois, présenté en janvier 1978 par Raymond Barre, ne soulève guère d'enthousiasme. La gauche est favorite, les amis du maire de Paris dominent la majorité. Le chef de l'État semble ainsi menacé de front par l'opposition et tourné de l'intérieur par les plus gros bataillons de sa propre armée.

Législatives de 78

Et pourtant, les 12 et 19 mars 1978, malgré les pronostics, la gauche est battue. Certes, le PS a progressé, faisant jeu égal avec le RPR, cependant que l'UDF — coalition improvisée, sous le patronage du chef de l'État, des radicaux, des centristes et des giscardiens — les talonne et devance le PC.

Dans la majorité, chacun revendique la paternité du succès : le président de la République, parce qu'il s'est nettement engagé ; Raymond Barre, parce qu'il a fait robustement campagne ; Jacques Chirac surtout, parce que son tour de France éclatant d'énergie a, considère-t-il, rendu confiance aux électeurs de la majorité.

Beaucoup d'observateurs partagent ce jugement : le vainqueur, c'est Jacques Chirac ; le vaincu, François Mitterrand ; le bénéficiaire, Valéry Giscard d'Estaing. Théorie séduisante, mais qui résiste mal à l'examen.

La gauche a perdu parce qu'elle s'est divisée, et c'est Georges Marchais qui a vaincu François Mitterrand. Depuis le 23 septembre 1977, il n'y a plus en effet de gauche unie. L'alliance n'a pas résisté aux coups de boutoir du PC. Déjà, en mai, à la veille d'un débat télévisé entre Raymond Barre et François Mitterrand, l'Humanité a publié un chiffrage du Programme commun si maximaliste qu'il ressemble à un superbe croc-en-jambe.

Et puis, les négociations pour l'actualisation du Programme commun se sont, à leur tour, tendues et aigries jusqu'à aboutir à l'inévitable rupture. Il s'en est suivi, dans ce camp-là aussi, dans ce camp-là surtout, une polémique dans laquelle F. Mitterrand se montre retenu mais ferme, G. Marchais agressif et véhément. Cette discorde a coûté à la gauche plus de voix que ne lui en ont arrachées les paladins de la majorité.

Climat délétère

C'est sur ce malentendu que s'ouvre la dernière période du septennat : chacun voit bien désormais les fractures symétriques des deux camps. Beaucoup croient le président protégé par la discorde de ses adversaires.