Loin de constituer un phénomène marginal, les bricoleurs du microprocesseur seront peut-être à l'origine d'une nouvelle informatique. D'une part, la vivacité, l'imagination et l'indépendance de ce mouvement, à l'image du vaste courant de diffusion des connaissances techniques qui a marqué au XIXe siècle, devraient susciter une grande diversité d'innovations, dont certaines sont d'ores et déjà promises à un bel avenir commercial. D'autre part, on peut imaginer que l'individu capable chez lui de concevoir et d'écrire des programmes informatiques sur son ordinateur individuel acceptera plus difficilement de se voir imposer dans son activité professionnelle des procédures programmées pensées par d'autres.

Pour l'instant, si l'ordinateur a beaucoup d'utilisateurs, il a encore peu d'usagers. Continuera-t-on longtemps à faire faire des programmes ? Apprendra-t-on un jour à programmer comme on apprend à conduire ? C'est fort probable mais, pour que la programmation soit un jour partagée, il faut s'attacher à rendre les langages plus naturels. Or, ce sont les informaticiens qui en détiennent aujourd'hui la clé. De leur capacité à partager leur savoir-faire dépend la vie du mythe informatique, avec son cortège de rejets.

La monnaie électronique pourrait détrôner les chèques

Afin de déterminer les conditions et les contraintes techniques, économiques et sociales de nouveaux systèmes électroniques de paiement, le gouvernement français, le 6 décembre 1978, a décidé (entre autres mesures propres à favoriser le développement des applications de l'informatique) la mise en place d'expériences pilotes.

À la différence de l'automatisation des transactions financières interbancaires (ordinateurs de compensation, transferts électroniques internationaux de fonds, etc.), les systèmes de paiement dont il est ici question visent à remplacer, dès l'origine de l'échange (entre consommateurs et entreprises commerciales, notamment), le support papier par un support électronique. Le but est de délivrer le système bancaire de la coûteuse et étouffante prolifération des chèques.

Terminaux

Les États-Unis et le Japon sont en pointe dans l'expérimentation de systèmes devant permettre dès la transaction le transfert instantané de fonds d'un compte à un autre, et cela quels que soient les établissements et les lieux où les comptes sont tenus.

Il faut, bien entendu, des réseaux de téléinformatique étendus, efficaces et fiables, incluant d'une part, pour la tenue des comptes, des disques magnétiques accessibles en permanence à partir de n'importe quel point de vente et d'autre part, pour la transaction, des terminaux dans lesquels il suffit d'introduire un badge accréditif authentifié par un code secret (comme dans les distributeurs de billets) pour déclencher et achever les opérations du débit-crédit.

Déjà, plusieurs centaines de milliers de Point of Sale Terminals (POS) sont en service aux États-Unis, mais ils ne sont utilisés encore que pour des enregistrements passifs, et parfois pour la vérification de la validité de l'une ou de l'autre des 280 millions de cartes de crédit en circulation. Au moins ces machines participent-elles à la création de l'infrastructure nécessaire pour que le paiement électronique on line devienne monnaie courante.

Au Japon — dont le système bancaire est le plus intégré du monde —, l'organisme qui assure l'installation et la gestion des billetteries de ville a entrepris la mise en place d'un réseau de POS permettant le débit-crédit dans certains magasins, hôtels, restaurants, agences de voyage... L'objectif est d'affirmer l'avance japonaise d'ores et déjà acquise en technologie bancaire.

Carte à mémoire

Cependant, c'est d'Europe que paraît surgir la possibilité d'une autre solution au problème de la monnaie électronique — et de France en particulier. C'est en France, en effet, qu'ont été pris les brevets internationaux de la carte à mémoire, qui procède d'une démarche toute différente.

Un jeune inventeur parisien, Roland Moreno, avait eu d'abord l'idée d'une bague contenant une micromémoire et l'information d'un certain montant de crédit. En introduisant le chaton de la bague dans une machine conçue à cet effet, il lui semblait possible d'enregistrer une opération de débit-crédit et dans la bague et dans la machine. Cela sans connexion aucune avec l'organisme bancaire, lequel n'interviendrait alors — un peu comme les exploitants de distributeurs automatiques — que pour recharger les bagues et décharger les machines.