L'expérience utilisait, et c'était sa difficulté principale, un faisceau d'électrons polarisés. Il y a deux sortes d'électrons, qu'on distingue par un caractère appelé spin. En pratique, on peut considérer que les électrons de spin positif tournent sur eux-mêmes en se déplaçant de manière à avoir un mouvement analogue à celui de la main quand on visse ; les électrons de spin négatif tournent au contraire dans le sens où l'on dévisse. En général, un faisceau contient autant d'électrons des deux espèces ; il est dit polarisé si les proportions sont différentes.

L'expérience de Stanford consistait à faire varier ces proportions et à mettre en évidence une influence sur le nombre d'électrons déviés ; influence très faible, car, si on passe d'un faisceau où tous les électrons vissent à un faisceau où tous dévissent, la proportion d'électrons déviés ne varie que d'un dix-millième. De nombreux phénomènes parasites (fluctuation du courant électrique qui alimente l'accélérateur, inhomogénéité du deutérium liquide) peuvent induire une telle variation, et bien des précautions ont dû être prises avant que les physiciens puissent affirmer que les électrons qui dévissent ont plus de chances d'être déviés que ceux qui vissent.

Dans l'expérience, les électrons arrivent horizontalement sur la cible et sont déviés, par exemple, vers le haut. Si on plaçait un grand miroir vertical le long de leur trajectoire, on y verrait une expérience identique, mais les électrons qui vissent ont une image qui dévisse, et réciproquement. Que la probabilité de déviation dépende du sens de rotation identique que l'image de l'expérience dans le miroir n'est pas identique à une expérience réelle, donc qu'il y a violation de la parité.

Le résultat positif de cette expérience, où pour la première fois l'électrodynamique quantique se révèle insuffisante, est de ce seul fait très important. Il a de plus l'intérêt d'être en accord avec un modèle théorique de cette fusion entre interactions électriques et faibles. Proposé en 1967 par l'Américain Weinberg et le Pakistanais Salam, il a pris de l'importance quand plusieurs expériences ont confirmé ses prédictions, et aussi quand le Néerlandais t'Hooft a montré que, contrairement aux anciennes théories de l'interaction faible, il a une cohérence interne qui permet d'en tirer des prédictions détaillées et non de simples approximations. Le modèle de Weinberg et Salam utilise un formalisme, dit « théorie de jauge », qui semble être le bon cadre pour décrire le comportement des particules.

Saturne-2 entre en service à Saclay

Installé en 1958 au Centre d'études nucléaires de Saclay, l'accélérateur Saturne était primitivement destiné à l'étude des particules élémentaires. La puissance des installations du CERN à Genève le rendant moins compétitif, on l'orienta vers l'étude des noyaux, pour laquelle il n'était pas très bien adapté. C'est pourquoi on décida d'utiliser son infrastructure pour construire un accélérateur produisant des faisceaux de particules plus intenses, avec une meilleure résolution en énergie. Saturne-2 a accéléré ses premiers protons le 26 juillet 1978. Il accélère aussi, avec des énergies allant jusqu'à 3 000 MeV (millions d'électrons-volts), des deutons (noyaux d'hydrogène lourd constitués d'un proton et d'un neutron), des noyaux d'hélium, des ions lourds du lithium au néon et des particules polarisées. Ces expériences étudient les forces internes et la densité des noyaux atomiques.

Couleurs

Une autre théorie de jauge, la chromodynamique quantique, a reçu en 1978 de sérieuses confirmations. C'est une théorie des interactions fortes ; elle décrit les relations entre quarks, ces objets hypothétiques qui seraient les composants de particules qu'on trouve dans la nature, tels le proton et le neutron, ainsi que de bien d'autres que les grands accélérateurs ont permis de créer. Il y a au moins quatre espèces de quarks (notés u, d, s, c) ; il y en a peut-être six. Diverses raisons incitent les physiciens à supposer que, pour chaque espèce, il y a trois types différents. On a donné le nom de couleur à ce qui différencie ces types, et l'on parle de quarks bleus, verts, rouges, ces qualificatifs n'ayant aucune signification visuelle et n'étant que des repères. On suppose alors que les particules observables sont blanches, par mélange des trois couleurs. Ainsi le proton est formé de trois quarks (deux quarks u et un quark d). À chaque instant, un quark est bleu, le second vert, le troisième rouge. Constamment, les quarks échangent leurs couleurs par le biais d'objets nommés gluons : un quark vert émet un gluon et devient rouge, mais le gluon est immédiatement absorbé par le quark qui était rouge, et qui vire au vert.