Il est commode de décrire la nature physique à partir de quatre forces, quatre types d'interactions. L'une est la gravitation, responsable de la chute des corps ; elle permet de comprendre l'ordonnancement des astres et la structure des galaxies ; mais elle ne joue aucun rôle en microphysique, où sa faiblesse la rend inobservable. Entre le proton et l'électron qui constituent l'atome d'hydrogène, la force électrique est incomparablement plus grande que la gravitation : le rapport de l'une à l'autre est environ 1040, soit suivi de quarante zéros.

Énergie

La force électrique ou électromagnétique, répulsion entre charges électriques de même signe et attraction entre charges de signes différents, est donc seule responsable de la cohésion de la matière, de la structure des atomes. Elle est cependant insuffisante pour décrire les noyaux d'atomes et le comportement des particules fondamentales. Quand les physiciens abordèrent l'étude des noyaux, ils durent introduire deux forces ou interactions supplémentaires. L'une fut appelée forte, l'autre faible. Depuis, le développement de la physique nucléaire et de la physique des particules s'analyse essentiellement comme un effort pour comprendre ces deux interactions. Et l'application pratique de cette physique, la production d'énergie nucléaire, traduit directement le fait que l'interaction forte est, comme le suggère l'adjectif, quelque mille fois plus intense que l'interaction électrique. On peut donc, à partir d'une même quantité de matière, extraire beaucoup plus d'énergie en combinant les noyaux par interaction électrique.

Ce schéma des quatre forces a perdu de sa valeur au cours du temps. On pensait, dès les années 60, qu'il pourrait n'être qu'une approximation, que la nature avait plus d'unité. Bien qu'elles apparaissent aussi dissemblables que possible, l'interaction faible et l'interaction électrique semblaient bien n'être que deux volets d'une même entité.

Les théoriciens étaient incapables de construire une théorie cohérente de l'interaction faible qui n'englobe pas aussi l'interaction électrique. Mais cela fait problème, car, si l'interaction faible est assez mal connue pour que des modèles théoriques différents soient compatibles avec les expériences, il n'en va pas de même pour l'interaction électrique. Celle-ci se manifeste dans toutes sortes de phénomènes aisément observables. Et, pour la décrire, on dispose depuis trente ans d'une théorie, l'électrodynamique quantique, qui n'a jamais été mise en défaut, même quand on a testé ses prédictions avec une précision meilleure que le milliardième.

Parité

L'interaction électrique obéit à une loi de symétrie appelée parité, qui dit que, si un phénomène existe, limage de ce phénomène dans un miroir est aussi un phénomène possible. Cette symétrie de la nature a été plusieurs fois vérifiée pour tout ce qui relève des interactions électriques, forte et gravitationnelle. Mais, en 1956, on a découvert que l'interaction faible viole la parité.

Une théorie de l'interaction faible doit prendre en compte cette dissymétrie entre un phénomène et le phénomène image ; si elle englobe aussi l'interaction électrique, une conséquence inéluctable est l'extension de cette dissymétrie, de cette violation de la parité, aux phénomènes électriques ; ce qui est en contradiction avec ce que prévoit l'électrodynamique quantique, pourtant si bien vérifiée ; en contradiction aussi avec toutes les indications expérimentales. Mais le très faible niveau de cette violation de la parité pouvait expliquer qu'on ne l'ait pas observée, surtout quand on ne la cherchait pas.

Électrons polarisés

Aussi la cherchait-on depuis quelques années. En juin 1978, on l'a découverte grâce à une expérience de diffusion d'électrons polarisés, réalisée sur le grand accélérateur linéaire d'électrons de Stanford (Californie) par une équipe internationale dirigée par l'Américain Dick Taylor.

Le principe de l'expérience est simple : le tube de 3 km de long qui constitue l'accélérateur communique aux électrons une énergie de 20 GeV (milliards d'électrons-volts). Le faisceau d'électrons frappe alors une cible de deutérium (hydrogène lourd), dont les noyaux dévient certains électrons. On compte les électrons déviés d'un certain angle, tout en mesurant leur énergie.