Journal de l'année Édition 1979 1979Éd. 1979

Certes, le choc est moins rude que celui de 1973-1974. Le prélèvement pétrolier s'était élevé à 40 milliards de F de l'époque, soit 80 milliards d'aujourd'hui. Mais il frappe une économie qui compte 1 400 000 chômeurs. Tout ralentissement de la croissance entraîne une contraction de l'emploi. L'espoir du gouvernement était de franchir, en 1980, le seuil des 4 % de croissance, au-delà duquel on pouvait espérer renverser la tendance sur l'emploi ou, tout au moins, stabiliser le chômage. Or, cet espoir s'envole après la hausse du pétrole. La croissance de la production nationale semble s'installer durablement sur un rythme de 3 % l'an (c'est la moyenne des années 1974-1978, tandis que, durant la période 1969-1973, ce rythme avait été de 6,2 % par an). L'année 1979 ne semblait pas devoir faire exception. Après avoir espéré une croissance de 3,7 %, les pouvoirs publics n'escomptaient plus, dans le courant de l'été, qu'un peu plus de 3 %. Et, pour 1980, les premières prévisions situaient la croissance probable entre 2 et 3 %, plutôt qu'entre 3 et 4. Dans ces conditions, le chômage risque encore de s'aggraver et le nombre des demandeurs d'emploi de dépasser le million et demi.

Compensation

On a vu s'esquisser alors, dans les milieux officiels, une nouvelle théorie, dite de la compensation. Il s'agit de prévoir des dispositions, à l'intérieur de chaque économie nationale, pour compenser sur l'activité générale l'effet dépressif du prélèvement pétrolier. Certes, cette politique comporte des risques. Si elle se traduit par des mesures internes de relance générale de la demande (hausse des revenus, accroissement des dépenses de l'État, stimulation des investissements des entreprises), elle aboutit à un déficit extérieur accru et à une inflation galopante. Il faut donc que la compensation soit soigneusement dosée et orientée avec précision. R. Barre a choisi, pour la faire, l'instrument qui comporte le moins de risque : la dépense budgétaire, orientée particulièrement vers le bâtiment et les travaux publics, industries spécifiquement nationales. Il ne veut pas agir par des hausses de revenus parce que cela alourdirait les coûts de production à un moment où l'on a plus que jamais besoin d'exporter pour régler la facture pétrolière. Il maintient donc serrés les robinets du salaire et du crédit (le taux d'intérêt de l'argent au jour le jour remonte de 6,5 % fin 1978 à plus de 9 % en juillet 1979). Ce qui lui permet de desserrer un peu le troisième robinet qui alimente l'activité : les dépenses publiques.

Déjà, en 1978, le gouvernement avait utilisé le déficit budgétaire pour soutenir l'activité. Les besoins financiers — c'est-à-dire le déficit — de l'ensemble des administrations publiques (État, collectivités locales, Sécurité sociale) s'étaient élevés à 49,2 milliards de F en 1978 contre 23,7 milliards en 1977 Au sommet des pays industrialisés de Bonn, en juillet 1978, il avait été recommandé aux nations qui en avaient la possibilité de soutenir leur activité par des dépenses publiques plutôt que par des hausses de salaire. Seuls les États-Unis étaient appelés à freiner leurs dépenses publiques pour réduire une inflation qui prenait déjà des proportions inquiétantes. Les résultats ne s'étaient pas fait attendre, si l'on en juge d'après les déficits publics dans les principaux pays industrialisés en 1978, en pourcentage de leur production nationale (entre parenthèses, les déficits de 1977) :
Italie : 12,6 (9,8)
Japon : 6,1 (4,8)
Canada : 4,3 (3,1)
Grande-Bretagne : 4,0 (3,2)
Allemagne : 3,0 (2,5)
France : 2,3 (1,3)
États-Unis : 0,2 (1,1)

Cette politique avait eu des effets positifs sur la croissance des économies occidentales en 1978, puisque, presque partout, la croissance avait été plus forte qu'en 1977 : 5,7 % au Japon (contre 5,2 % en 1977), 3,4 % en Allemagne (au lieu de 2,6 %), 3,3 % en France (3,2), 3,2 en Grande-Bretagne (1,6) et 2,2 % au Canada (1,7). Les États-Unis avaient, eux, freiné leur croissance, qui était restée cependant relativement forte, avec 3,9 % en 1978 contre 4,9 % en 1977.

Chômage

Au sommet de Tokyo, en juin 1979, les problèmes de l'énergie ont masqué ceux de la croissance économique. La décision prise alors de plafonner les importations de pétrole à leur niveau de 1978 risque, dans un premier temps, de freiner la croissance. Mais les gouvernements représentés à Tokyo ont tout de même décidé de ne rien faire qui puisse aggraver cette contraction d'activité.