Aucun de ces produits n'est une panacée. L'emploi de chacun d'eux présente des avantages et des dangers, sur lesquels il existe des divergences entre spécialistes, notamment entre ceux de l'Institut français du pétrole, partisan des dispersants, et l'Institut scientifique et technique des pêches maritimes, qui les condamne.

Dans l'immédiat, les premières victimes du sinistre (outre l'industrie touristique) sont les pêcheurs, les ostréiculteurs et les goémoniers. Les cadavres des oiseaux et des poissons mazoutés jonchent la côte par milliers.

Les effets à plus long terme sont moins connus. La faune et la flore très riches de cette région de la Manche sont durement touchées : on ne sait pas combien d'années seront nécessaires pour les reconstituer, ni si on n'assistera pas à une dérive écologique modifiant définitivement l'équilibre des espèces. Une demi-douzaine d'instituts scientifiques coordonnés par le CNEXO ont établi un programme de recherches étalé sur trois ans. Il comporte une étude de l'activité des bactéries dans la dégradation du pétrole, et des essais actifs de restauration écologique : implantation d'huîtres, recolonisation par certaines espèces d'algues et de poissons.

Tankers

Le Torrey Canyon transportait 70 000 t, l'Amoco Cadiz 220 000 t. Or il existe actuellement des tankers de 500 000 t. Statistiquement, on ne peut exclure la possibilité de catastrophes d'une ampleur croissante. Outre une réglementation plus stricte de la navigation dans la Manche, les techniciens souhaiteraient imposer aux pétroliers géants l'obligation de posséder deux arbres moteurs et deux gouvernails, dont sont munis les superpétroliers français, et qui, sur l'Amoco Cadiz, auraient prévenu le naufrage.

Afrique du Sud

Le 18 décembre 1977, deux pétroliers de 330 000 t construits au Japon, appartenant à une compagnie américaine et naviguant sous pavillon libérien, le Venoil et le Venpet, l'un plein, l'autre faisant route à vide, entrent en collision au large de la côte méridionale d'Afrique du Sud et prennent feu, répandant du pétrole en flammes sur la mer. Des hélicoptères éteignent l'incendie, des remorqueurs ramènent les supertankers vers le rivage. La majeure partie de la cargaison est sauvée. Cependant, 15 000 t de pétrole se répandent en mer et atteignent le rivage près de la réserve naturelle de Tsitsikana, où plusieurs espèces animales sont touchées. Le Venoil ayant été abandonné durant quelques heures par son équipage, un procès s'engage entre la compagnie américaine et les sauveteurs sud-africains : à qui appartient l'épave ?

Grande-Bretagne

Le 6 mai 1978, le cargo français Roseline entre en collision avec le pétrolier grec Eleni V et le coupe en deux, au nord-est des côtes britanniques. La poupe, contenant environ les deux tiers des 17 000 t de la cargaison, est remorquée jusqu'à Rotterdam. Les plages de la région de Great Yarmouth sont souillées.

Pollution croissante de l'eau en Europe et dans le Bassin méditerranéen

À la fin de l'année 1977, la gravité de la pollution en Méditerranée est dénoncée par deux experts des Nations unies. Les déversements de pétrole y atteignent une concentration de 108 mg par mètre carré et par an, contre 17 mg en Atlantique Nord. Les thons contiennent trois fois plus de mercure que dans l'Atlantique. La concentration en cuivre dans les coquillages est si élevée qu'en certains endroits ils sont inconsommables. Les grands fleuves d'Europe occidentale ne causent pas moins de soucis aux défenseurs de l'environnement.

Traités

Les optimistes voient un espoir d'amélioration dans l'entrée en vigueur, le 12 février 1978, des trois traités signés à Barcelone en 1976, sous les auspices de l'ONU.

Par le premier traité, les nations riveraines de la Méditerranée s'engagent en termes généraux à protéger leur héritage commun contre toutes les formes d'atteinte à l'environnement. Le second contient une liste noire des produits dont le déversement en mer est interdit (mercure, cadmium, plastiques non dégradables, DDT et autres polluants chimiques, hydrocarbures) et une liste grise de ceux dont le déversement devra faire l'objet d'une autorisation gouvernementale préalable (plomb, zinc, cuivre, cobalt, argent, cyanures, fluorures, micro-organismes vecteurs de maladies). Le troisième texte appelle à la coopération internationale contre les marées noires. Un système de surveillance des pétroliers et d'alerte est en cours d'installation à Malte.

Égouts

Aucune mesure précise ne semble devoir être appliquée dans un avenir proche contre la pollution de la Méditerranée par les eaux d'égout, dont 90 % sont déversés à la mer sans traitement adéquat.