Au fil des jours, bien des choses sont devenues banales : le touriste américain qui, de la Lozère, peut se servir lui-même d'un satellite artificiel pour téléphoner à sa famille restée dans sa petite bourgade du Dakota ; le satellite météorologique qui, à la demande, fournit de superbes photographies des nuages hauts ou des nuages bas, ou encore de la répartition de vapeur d'eau atmosphérique...

L'activité spatiale est devenue routinière. Pourtant, un accident ou un échec viennent rappeler, de temps à autre, que la maîtrise technologique du matériel n'est pas totalement acquise et que les hommes de l'espace ne sont pas sans défaillances. Par ailleurs, les rivalités internationales freinent le progrès et retardent de nombreuses applications de la recherche. L'année 1977-78 offre un échantillonnage de tout ce qui fait la force et la faiblesse de l'aventure spatiale.

URSS : Pas de trêve

La longue pause marquée par les Américains entre leur remarquable expérience Skylab (Journal de l'année 1973-74) et les futures opérations du programme Space Shuttle (navette spatiale) laisse temporairement aux Soviétiques le monopole des vols d'engins habités.

Les programmes spatiaux de l'URSS ne sont pas limités par un budget alloué une fois pour toutes ; ils ont un caractère permanent, sans budget fixé, ce qui permet à un matériel plus perfectionné de prendre la relève d'un matériel périmé. Ainsi se succèdent les opérations montées autour des stations Saliout, des vaisseaux Soyouz et, depuis cette année, du ravitailleur téléguidé Progress.

Version améliorée

La cinquième station orbitale Saliout, lancée le 22 juin 1977, a été volontairement désatellisée et détruite au-dessus du Pacifique le 8 août 1977, on ignore pourquoi. La série, dans une version améliorée, repart avec le lancement, le 29 septembre, du sixième Saliout, long de 16 m, d'un volume de 100 m3, et pourvu de deux colliers d'accostage et de deux sas permettant à deux vaisseaux spatiaux de se fixer à ses extrémités. Du coup, se trouvent considérablement améliorées les conditions d'exploitation de la station et de la sécurité des occupants : en cas de défaillance mécanique ou de dommages de l'un des colliers, le vaisseau spatial venu du sol pourra se fixer sur l'autre ; si le heurt d'une météorite ou tout autre accident le rendent inutilisable, un autre Soyouz pourra se porter sans tarder au secours des hommes en utilisant le collier et le sas libres.

Les installations et les équipements ont été améliorés. Un scaphandre autonome, semi-rigide, est prévu pour les sorties ; une douche a été installée (ne pouvant tomber par gravité, l'eau est projetée d'un côté vers l'homme et aspirée de l'autre).

Soyouz 25, lancé le 9 octobre, revient au sol le 11 sans avoir réussi l'accostage avec la station : pour la première fois, deux cosmonautes n'auront pas droit aux traditionnelles réceptions... Soyouz 26, lancé le 10 décembre, est confié à un ingénieur de 46 ans, Gueorgui Gretchko, qui, membre de l'équipage de Soyouz 17, avait déjà passé un mois à bord de Saliout 4 (Journal de l'année 1974-75) ; son compagnon est le cosmonaute Youri Romanenko, âgé de 33 ans.

Dès le lendemain, les deux hommes s'installent à bord pour un long séjour au cours duquel ils doivent observer l'atmosphère et la Terre, se livrer à des expériences technologiques, médicales et biologiques, mettre au point la nouvelle station. Le 19 décembre, une sortie dans l'espace leur permet de s'assurer que Soyouz 25, lors de son accostage manqué, n'a pas endommagé le second collier d'accostage. Le 29, expérience inédite : les cosmonautes placent la station sur une orbite plus haute en la poussant avec leur Soyouz. L'ensemble formé par deux engins mesure 23 m ; il est vu du sol à l'œil nu comme l'étoile la plus brillante du ciel boréal.

Le portillon du second sas s'ouvre le 11 janvier 1978 : des visiteurs arrivent. Ce sont Vladimir Djanibekov et Oleg Makarov, lancés la veille à bord de Soyouz 27. Ils sont porteurs, entre autres, du matériel de l'expérience franco-soviétique Cytos. Pendant cinq jours sont étudiés les problèmes que pose la vie quotidienne de quatre hommes à bord de la station (alors longue de 30 m). Le 16, les visiteurs repartent, mais, au lieu de reprendre leur vaisseau, ils emprunteront le Soyouz 26 de leurs camarades.

Progress

Un nouveau messager terrestre arrive, le 22 janvier : le ravitailleur téléguidé Progress 1. Ce camion de l'espace, qui pèse 7 tonnes au départ, se compose de trois compartiments : un pour la charge solide (ravitaillement, matériel scientifique), un autre pour la charge liquide (citernes de kérosène et d'oxygène liquides), un troisième groupant les moteurs et les systèmes de téléguidage et d'accostage. En tout, l'engin peut fournir à la station 2,3 tonnes de ravitaillement, matériel et propergol : de quoi la maintenir en état de service pendant deux ou trois mois supplémentaires. Le 6 février, Progress 1 est séparé de la station, puis désatellisé. Ses débris sont précipités dans le Pacifique.