Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

Car l'instrument privilégié de contrôle de la marche de l'économie est devenu, sous le gouvernement Barre, la masse de monnaie en circulation, à l'instar de ce qui se fait dans les grandes nations libérales, les États-Unis et l'Allemagne. Pour la première fois en France, en 1977, le gouvernement a fixé une norme de croissance monétaire : pas plus de 12,5 %. Il s'y est à peu près tenu. En 1978, il a fixé une norme encore plus stricte : 12 %. Si l'on estime (cela n'est vrai qu'approximativement) que la croissance de la masse monétaire est égale à la croissance de la production multipliée par celle des prix, on voit que toute hausse des prix se fait au détriment de la production, à partir du moment où l'on tient ferme le robinet de la monnaie, c'est-à-dire celui des crédits aux entreprises, aux particuliers et à l'État.

Inflation

Entre le début et la fin de 1977, les prix à la consommation ont augmenté, en France, de 9 % contre 9,9 % en 1976. Pour 1978, on s'attend à une hausse entre 10 et 11 %. C'est dire qu'en apparence la politique de R. Barre n'a rien changé au taux d'inflation, alors que la réduction de celle-ci était son objectif principal. Le Premier ministre récuse vigoureusement cette conclusion en proclamant, à plusieurs reprises, que l'inflation n'est pas l'indice des prix. L'inflation est un état de déséquilibre profond de l'économie — et de la société. L'indice des prix ne fait qu'en mesurer les apparences extérieures, mais celles-ci peuvent être trompeuses.

Par exemple, après les élections, le gouvernement a pris trois mesures d'assainissement, qui, dans un premier temps, font croître l'indice des prix, mais qui, dans un deuxième temps — une fois l'assainissement réalisé — devrait le modérer. Il s'agit des fortes hausses de tarifs publics décidées au printemps 1978 pour réduire le déficit des entreprises nationalisées ; de la dévaluation du franc vert pour relancer les exportations agricoles ; de la libération de tous les prix industriels (mais pas des marges commerciales ni des prix des services), décidée en juin 1978 et achevée fin août 1978. C'est la première fois, en France, depuis la dernière guerre, que les prix industriels ne sont plus soumis au contrôle de l'Administration. Pour éviter que les industriels ne se dépêchent de relever leur tarif dans la crainte d'un retour au contrôle des prix, le gouvernement a déclaré solennellement que cette mesure était « irréversible ». D'ailleurs, en choisissant René Monory comme ministre de l'Économie, R. Barre avait affiché ses intentions. Car, en tant que ministre de l'Industrie, dans le gouvernement précédent, R. Monory avait été l'apôtre le plus fervent de la libération des prix industriels.

Objectif

Cette mesure est le symbole du libéralisme économique. En redonnant la liberté des prix aux industriels, le gouvernement espère que ceux-ci retrouveront leur initiative pour faire face à la concurrence des pays neufs, pour inventer de nouveaux produits ; selon l'expression à la mode, pour se redéployer.

On a chiffré les effets sur l'indice des prix de ces trois mesures à environ 2 % sur l'ensemble de l'année 1978. C'est-à-dire que le glissement spontané des prix serait de l'ordre de 8 % et non pas de 10 % comme l'indique l'indice. R. Barre a toujours dit qu'il lui fallait trois ans pour ramener l'inflation en France à un taux supportable. Il espère atteindre 6 à 7 % (taux annuel) au terme de cette période, c'est-à-dire à l'automne 1979. Dans sa conférence de presse de juin 1978, V. Giscard d'Estaing lui a renouvelé sa confiance pour atteindre cet objectif. Le Premier ministre s'efforce d'y parvenir, sans récession économique et sans crise sociale.

Pour éviter la récession, il a promis le maintien du pouvoir d'achat à tous les salariés (sauf à ceux qui gagnent plus de 30 000 F par mois). Il a même promis une amélioration du pouvoir d'achat pour les bas revenus : d'où le relèvement du SMIC en mai, puis en juillet 1978, au-delà des indices des prix ; le relèvement des prestations familiales et du minimum vieillesse (qui passe à 1 000 F par mois). Dans le but d'empêcher une chute de la production, le gouvernement a sensiblement abaissé les taux d'intérêt qui sont revenus — sur le marché monétaire — au-dessous de 8 % au printemps 1978 contre plus de 10 % en février. L'acceptation d'un déficit budgétaire trois fois plus important que prévu, en 1978, va dans le même sens.

Syndicats

Pour éviter la crise sociale, la principale innovation du gouvernement issu des élections a été de relancer les négociations avec les syndicats, tous azimuts. Successivement, V. Giscard d'Estaing et R. Barre ont longuement reçu les grandes centrales (toutes) et le patronat. Puis le Premier ministre a lui-même écrit aux protagonistes pour les inviter à se rencontrer et à discuter, plus particulièrement, des bas salaires. L'opinion publique avait pris conscience, en effet, pendant la campagne électorale, de l'existence d'une forte proportion de bas salaires en France. La revendication du SMIC à 2 400 F par mois n'avait pas suffi, à la gauche, pour remporter la victoire. Mais elle avait fait un peu honte aux Français de payer encore des salaires à 1 750 F par mois.