Le Brésil, qui importe plus de 80 % de sa consommation de carburant, subit toujours le contrecoup de la hausse des prix du pétrole. Le gouvernement a voulu maintenir une politique ambitieuse d'investissements en matière d'infrastructures et d'équipements, dans le but de diminuer sa dépendance économique. Avec un Plan prévoyant une croissance annuelle du PNB de 10 % pour la période 1975-1979, le Brésil vit au-dessus de ses moyens. Après avoir limité le crédit et les importations, trop tard selon les experts, le président Geisel annonce, en novembre 1976, une importante réduction (40 %) des investissements d'infrastructure. Il confirme, dans son discours de fin d'année, mais sans définir les moyens de sa politique, la volonté de lutter contre la « surchauffe économique ». La taxe sur l'essence, instituée en mars 1977, sera une des premières illustrations de cette politique.

Élections

Les élections municipales du 15 novembre 1976 (elles portent sur le remplacement de 35 000 conseillers) prennent une valeur de test pour les investisseurs étrangers, qui ont placé environ 10 milliards de dollars dans l'économie brésilienne et qui s'interrogent sur la solidité du régime et sur sa solvabilité. Conscient de cette situation, le gouvernement fait voter une loi supprimant toute campagne électorale à la radio et à la télévision. Cette suppression est lourde de conséquences dans un pays où la télévision est très développée et touche spécialement les milieux ruraux isolés. La mesure frappe directement le Mouvement démocratique brésilien (MDB), seul parti d'opposition, qui manque à la fois de structures et de possibilités financières et qui doit, précisément, aux moyens audiovisuels ses succès électoraux de 1974. Finalement, le parti gouvernemental ARENA s'assure, avec 57 % des suffrages exprimés, le contrôle de 3 000 municipalités, cependant qu'avec 43 % des suffrages, le MDB n'en contrôle que 700. En revanche, le MDB réalise des scores exceptionnels dans les grandes villes (70 % des suffrages à Rio, 65 % à Pôrto Alegre, 60 % à São Paulo) et arrive en tête dans 18 des 32 villes de plus de 100 000 habitants.

Crise

Les mesures de décélération économique mettent en cause la crédibilité d'une révolution militaire initialement basée sur la croissance à tout prix. Les milieux industriels redoutent une récession qui provoquerait des faillites et aggraverait le malaise social. Ils critiquent un capitalisme d'État qui laisse peu de place à l'initiative privée (78 des 200 plus grandes sociétés sont contrôlées par la puissance publique, 60 % des investissements sont d'origine publique). Ils refusent d'être soumis, sans concertation aucune, aux ordres d'une bureaucratie technocratique. Pour la première fois depuis 1964, la Fédération des commerçants de São Paulo se prononce publiquement, le 8 février 1977, pour le « rétablissement de la démocratie ». Le même jour, le ministre du Commerce, connu pour son ouverture politique et sociale, doit démissionner. Le pacte qui unissait les militaires et les milieux d'affaires semble rompu.

Les intellectuels signent, le 25 janvier, un manifeste contre la censure, le premier du genre depuis 1969. L'Église catholique ménage moins que jamais ses critiques. La Conférence des évêques brésiliens diffuse, le 25 février 1977, un texte sur les « exigences chrétiennes pour un ordre politique », qui est un jugement indirect, mais sans ambiguïté, du régime.

Durcissement

Ces tensions se répercutent très vite au plan politique. Le 1er avril 1977, le Parlement est suspendu. La mesure, qui est sans précédent depuis 1969 et qui sera maintenue jusqu'au 15 avril, est la conséquence de l'opposition du MDB à une réforme du pouvoir judiciaire. La réforme est instituée par décret le 13 avril. Très critiquée par les magistrats, elle supprime toute garantie d'habeas corpus en cas de délits politiques et porte atteinte tant à l'indépendance du pouvoir judiciaire qu'aux compétences des tribunaux ordinaires. Le 14 avril, autre réforme non moins importante : celle du système électoral. Les gouverneurs d'État et les sénateurs ne seront plus élus au suffrage universel, comme le prévoit la Constitution, mais au suffrage indirect par des collèges électoraux comprenant les députés des assemblées locales et les conseillers municipaux. Cette nouvelle règle devrait empêcher le MDB de l'emporter dans trois principaux États, aux élections de 1978.