Nairobi a été l'aboutissement, la synthèse ou le lancement de ce que beaucoup auront pensé partout, dans ce domaine, durant ces toutes dernières années. Quand on prend la peine d'observer ce qui fut dit au dernier Synode épiscopal romain sur L'évangilisation des hommes de ce temps, à la Conférence du COE, à Bangkok sur Le salut aujourd'hui, à divers synodes protestants sur La transmission de l'Évangile, au colloque panorthodoxe de Bucarest sur Confesser Christ aujourd'hui (thème de la section I de Nairobi), au Congrès international pour l'évangélisation des protestants fondamentalistes, à Lausanne, etc. on est non seulement surpris par la conjonction de la préoccupation essentielle, mais aussi par l'accord fondamental qu'on peut relever dans les conclusions. Et cet accord global est sans doute l'aube d'une vision nouvelle de la vocation apostolique de la chrétienté, chrétienté chaque jour plus minoritaire dans une masse humaine grandissante.

Cette vision peut se résumer en quelques points : c'est la communauté locale, unie autour de la Parole et du sacrement de l'eucharistie qui est missionnaire. Elle l'est en tout lieu et en tout temps, sous peine de ne plus être. L'ensemble de ces communautés locales missionnaires forme l'Église Une, sainte, catholique et apostolique. L'annonce de l'évangile de Jésus-Christ doit être faite à tout homme et à Tout l'Homme et, par conséquent, ne pas se limiter à une prédication verbale, car, désormais, les actes ou engagements pour l'homme sont indissociables. Les actes ou engagements significatifs de la promesse peuvent, et, parfois, doivent, précéder la prédication. Il convient enfin de tenir le plus grand compte des cultures, des traditions et des situations socio-économiques des peuples où l'Évangile est annoncé, en actes et en paroles.

Engagements

Chacun notera la rupture radicale avec la mission-évangélisation traditionnelle, tant dans le domaine du respect de la culture des autres que, par exemple, dans le lien étroit entre les actes et les paroles, alors que, hier encore, les actes caritatifs, médicaux, scolaires n'étaient qu'un accompagnement de la prédication sans avoir vertu de témoignage. On doit ce renouveau aux brassages culturels actuels, à la puissance de l'information audio-visuelle, qui fait évoluer les mentalités, et, surtout, à l'apport des réflexions venant d'autres continents que l'Europe (théologies africaine et asiatique, théologie noire des États-Unis et théologie de la libération de l'Amérique latine).

Nairobi a aussi contracté un certain nombre d'engagements majeurs qui seront bientôt concrétisés : défense des Droits de l'homme et de la femme dans le monde entier, reconduction du Fonds de lutte contre le racisme, création d'un organisme pour lutter contre la militarisation progressive des États, contre les ventes d'armes et les politiques nucléaires, y compris les centrales, contre la torture institutionnalisée dans plus de 70 pays et pour faire connaître les méthodes non violentes actives de défense...

Il s'est cependant passé, à Nairobi, un autre fait peu commun. Tandis que chacun voit, entend ou lit Soljenitsyne, reçoit des messages de Sakharov ou écoute Pliouchtch, le silence du COE à l'égard de l'Est se perpétuait. Or, voici que ce silence a été rompu. À propos d'une motion priant les puissances signataires de l'accord de la conférence d'Helsinki, inspirée par l'URSS, de respecter chez elle les dix principes de cet accord, relatifs aux libertés, un délégué suisse, Jacques Rossel, présenta un amendement pour que l'URSS soit explicitement citée. « étant donné ce qu'on sait » dit-il. Le débat, qui devait durer moins d'une heure, se prolongea toute la nuit tant la mobilisation des délégations de l'Est, visiblement angoissées à la pensée de ce qui se passerait lors de leur retour, fut unanime. Finalement, leur retour fut assuré grâce à leurs protestations, et, bien que la motion ait été édulcorée, le débat a eu lieu et, comme décidé, il se poursuivra. La crédibilité du COE ne pouvait qu'y gagner, sans que cela l'empêche de poursuivre ses interventions auprès des gouvernements de toute nature, chaque fois qu'une atteinte est portée par eux au visage de l'homme.

Comité

L'Assemblée de Nairobi a élu pour sept ans un nouveau Comité central de 128 membres et choisi pour le présider, à la suite du professeur hindou M. Thomas, l'archevêque anglican canadien Edward Scott. Les femmes y sont plus nombreuses que jamais (33 %), y compris dans le praesidium de six coprésidents, où l'on compte aussi, malgré l'opposition de la délégation française, le métropolite orthodoxe de Leningrad, Nikodim, second personnage de l'Église russe. Le secrétariat général reste entre les mains du pasteur noir Philip Potter, au moins jusqu'en 1978.