À ce rapport de la Commission II de l'INSERM, que préside précisément le professeur Georges Mathé, d'autres voix vont faire chorus. Le professeur Jean Bernard affirme que, depuis 1967, la recherche française est en stagnation : « Toute recherche qui stagne, dit-il, est une recherche qui meurt. » De son côté, le professeur G. Milhaud s'étonne que le budget total de la recherche passe de 2,2 % du produit national brut, en 1968, à 1,7 % du PNB en 1975 ; il insiste sur le fait que « ce phénomène est sélectivement français, et que, dans le même temps, la France passe de la 3e à la 5e place pour l'effort de recherche, derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne, la République fédérale allemande et les Pays-Bas ».

Budget

À ces attaques en rafales, Simone Veil oppose des arguments à la fois économiques et sociaux. Pour les premiers, elle dispose d'un budget qui, comme celui de tous les ministères, n'est pas extensible à volonté ; il progresse, certes, chaque année, mais dans la recherche comme dans les autres domaines, le taux d'inflation réduit les possibilités réelles de ce budget. Il est exact qu'en 1975, pour des raisons d'économie, il n'y a eu que 6 créations de postes nouveaux en cancérologie, alors qu'il en aurait fallu 30.

Prévention

Les arguments officiels ont déplacé un peu la perspective en glissant de la recherche vers la prévention. Dans la mesure où il paraît prouvé que certains cancers (ceux des voies aérodigestives supérieures, par exemple) sont d'autant plus fréquents qu'il y a plus forte consommation de tabac et d'alcool, le rôle du gouvernement doit être de promouvoir une politique de prévention fondée sur la dissuasion. Or, les armes de la dissuasion, essentiellement des campagnes d'information du public, coûtent fort cher. De là la nécessité de réserver des fonds destinés à cette prévention collective.

Après la flambée polémique de l'hiver, la querelle chercheurs-ministère s'est un peu apaisée. On apprend, en mars 1976, que Simone Veil décide de porter à 8 le nombre des nouveaux postes de chercheurs à créer et obtient que le ministre de l'Industrie et de la recherche débloque 2 millions de francs en faveur de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST) pour une action concertée de cancérologie. Le débat, cependant, reste ouvert. En une matière aussi délicate, il est difficile de trancher nettement. Car, en fin de compte, est-ce la prévention ou la recherche qui se révèle le plus rentable pour le public ?

La deuxième génération de scanners

Le service de radiologie du professeur Metzger, à l'hôpital de la Pitié, reçoit, le 31 décembre 1975, un appareil révolutionnaire : le densitome, premier scanner de fabrication française, qui permet les investigations radiologiques les plus fines au niveau du cerveau et de la colonne cervicale. Le premier scanner a été mis au point par l'ingénieur anglais Hounsfield, en 1971 : il associait la tomographie aux rayons X collimatée avec un ordinateur, ce qui permettait de visualiser, sans substance de contraste, le cerveau et les ventricules cérébraux. Le densitome appartient à la deuxième génération de ces appareils. Il comporte une source de rayons X qui émet un pinceau très fin de quelques millimètres d'épaisseur. Le flux de rayons, au lieu d'impressionner un film comme en radiographie classique, se déplace autour de la tête du patient, délimitant une tranche du cerveau observé. La valeur d'absorption des rayons est mesurée en des dizaines de milliers de points considérés. En quelques minutes, un calculateur, couplé avec l'appareil, transforme ces dizaines de milliers de mesures en une image qui constitue une sorte de carte géographique de la tranche de cerveau : cette carte, le spécialiste la lit plus facilement qu'une radiographie classique. Pour le professeur Metzger, cet appareil de diagnostic ultraprécis « repousse les limites d'exploration du corps humain »; après le cerveau et la colonne cervicale, des organes plus profonds (foie, pancréas) pourront être visualisés par le densitome.

Leucémie : premier vaccin expérimental

Le traitement des leucémies a enregistré, ces dernières années, d'importants succès ; cependant, la cause première de ces cancers du sang demeure encore mal connue : comme certaines leucémies animales, la maladie humaine pourrait avoir une origine virale. Mais ce n'est là qu'une hypothèse.