Journal de l'année Édition 1976 1976Éd. 1976

« Ce que j'ai fait simplement, c'est parler de sexualité dans mes bandes. Et quand je dis la sexualité, j'entends par là pas n'importe quelle sexualité ! Une seule, unique et qui me tient tant à cœur, à savoir la mienne », déclare Marcel Gotlieb. Les fondateurs de Métal hurlant décident, quant à eux, de sortir en décembre 1974, « tous les trois mois, un magazine de science-fiction en bandes dessinées où ils étaleront complaisamment leurs phantasmes putrides ».

Toutes ces nouvelles revues, malgré leurs qualités, ont un avenir incertain, un certain systématisme thématique, les changements de goût du public, l'augmentation des coûts de production, la concurrence des grands éditeurs sont les principaux obstacles à la pérennité de ces publications, dont le tirage oscille entre 30 000 et 70 000 exemplaires. La stagnation sinon l'agonie de l'underground aux USA ne constituent pas non plus de très bons signes avant-coureurs.

Antérieur, mais se rattachant peu ou prou à ce courant : Hara-Kiri Hebdo (fondé en 1968), devenu, du fait de la censure, Charlie Hebdo (100 000 exemplaires), dénonce par le texte et la bande dessinée, grâce à Cavanna, Reiser, Cabu, Gébé, Willem, Wolinski, la bêtise et l'injustice des pouvoirs.

De même origine, mais non axé sur l'actualité, Charlie (mensuel), « journal plein d'humour et de bandes dessinées », remplit ses pages avec des séries françaises (dont Paulette de Pichard et Wolinski) et étrangères, qui ont permis de mieux connaître les dessinateurs italiens Jacovitti, Crépax, Buzelli, mais aussi les Peanuts, Popeye et la série anglaise Andy Capp.

La variété et la qualité des auteurs proposés, l'éclectisme et l'ouverture d'esprit qui président au choix des séries font de ce magazine la meilleure revue française de bandes dessinées de ces dernières années.

Toutes ces publications parisiennes cachent l'extraordinaire foisonnement des créations provinciales (Le clampin libéré à Lille, Klapperstei à Strasbourg, publications occitanes et bretonnes diverses) qui utilisent la bande dessinée comme support de contestation et de dénonciation de scandales locaux.

Quelques individualités sont aussi les témoins corrosifs de notre société, tels Sempé (L'ascension sociale de monsieur Lambert), Claire Brétecher (Les frustrés) et Gérard Lauzier (ses Tranches de vie sont d'une férocité rare).

Classicisme

Toute cette cohorte de dessinateurs, leurs sources d'inspiration et la manière graphique de les traiter se heurtent parfois aux tenants d'un certain classicisme. Il n'y a pas vraiment conflit de générations, mais souvent motivations différentes.

L'émergence de nouveaux auteurs, de nouvelles séries, le renouveau de certains thèmes n'ont pas signifié la disparition de genres plus anciens ou le rejet d'auteurs de la précédente génération. Si Superman et Tarzan passionnent les nostalgiques, les épigones de ces héros : Rahan (A. Chéret, R. Lecureux) et l'étonnante équipe (Daredevil, Iron man, L'araignée, etc.) des superhéros de l'Américain Stan Lee (dans la revue Strange en France) connaissent un extraordinaire succès, preuve de la permanence de certains mythes.

Nombreux sont encore ceux qui veulent faire rêver ou vibrer aux aventures réalistes d'un aviateur, d'un cow-boy ou d'un homme de la jungle. Nombreux ceux, tel René Goscinny, qui veulent continuer de « faire rigoler les gens ».

Le public, jeune ou moins jeune, fait toujours aussi bon accueil aux aventures d'Astérix et de Lucky Luke. Le premier album consacré au petit Gaulois fut tiré à 6 000 exemplaires, le second à 12 000, les suivants à 300 000, les derniers dépassent le million d'exemplaires. Les 22 titres parus se sont diffusés à 55 millions d'exemplaires dans le monde entier. Trois dessins animés de long métrage (dont le dernier Les douze travaux d'Astérix) confirment ce succès. Suprême consécration pour les talents incontestables de René Goscinny, A. Uderzo et Morris : la parution du Cadeau de César dans Le Monde (1974) et de La guérison des Dalton (1975) et d'Obelix et Compagnie (1976) dans le Nouvel Observateur.

Vitalité

Le succès de René Goscinny s'explique parce qu'il sait avec habileté, mêler dans ses scénarios des éléments d'aventure qui ne déroutent pas le jeune lecteur tout en accumulant les clins d'œil aux adultes avec un humour d'anachronisme savoureux.