Dès son ouverture, le 3 décembre 1974, Paul VI lance un avertissement contre une « remise en question fondamentale de l'identité des jésuites », et il multipliera ensuite, jusqu'à la fin de la congrégation, le 8 mars, mises en garde et semonces plus ou moins discrètes.

Le conflit se cristallise autour d'une question peu claire pour les profanes : faut-il être prêtre pour être jésuite à part entière (c'est-à-dire ayant prononcé le vœu spécial d'obéissance) ? Paul VI répond positivement ; la majorité de la congrégation répondrait volontiers non, mais elle est obligée de se soumettre. Le bilan de cette réunion est donc incertain, sauf pour le pape, qui a trouvé une occasion de réaffirmer son autorité.

Inquiétudes

C'est là son souci constant, car il ne dissimule pas les inquiétudes que provoquent chez lui l'évolution de l'Église, celle des mœurs et celle du monde.

Le saint-père dressa ainsi, au cours de l'audience générale du 11 septembre 1974, un sombre tableau des difficultés de l'Église : « Certains de ses fils qui lui ont juré amour et fidélité s'en vont ; beaucoup de séminaires sont presque vides, des familles religieuses se recrutent difficilement ; des fidèles ne craignent plus d'être infidèles... » Une semaine plus tard, il explique que, pour ces raisons l'Église « a besoin d'hommes forts ».

L'inquiétude que suscite à Rome l'évolution des mœurs provoque des prises de position répétées à propos de la contraception et de l'avortement. Le 7 septembre 1974, devant les 2 000 participants à l'assemblée de la Fédération internationale pharmaceutique, Paul VI réaffirme l'enseignement de son encyclique Humanae Vitae de 1968 (Journal de l'année 1968-69). Le problème de l'avortement fait l'objet, le 25 novembre, d'une solennelle déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi (ex-Saint-Office). Ce texte, évidemment hostile à l'avortement provoqué, était en préparation depuis septembre 1973. Il avait été approuvé par le pape le 28 juin 1974, sous réserve de quelques modifications. Sa publication la veille même du débat de l'Assemblée nationale française sur ce sujet est considérée dans certains milieux comme une manœuvre. Pourtant, on assure au Vatican qu'il s'agit d'une coïncidence imprévisible.

L'inquiétude, enfin, que provoque la situation mondiale est souvent évoquée par Paul VI. Il constate, le 9 novembre 1974, devant les participants à la Conférence mondiale de l'alimentation, que les espoirs de voir l'humanité venir à bout du fléau de la famine ne se sont pas réalisés. Et il compare à plusieurs reprises, notamment dans son allocution au corps diplomatique le 11 janvier 1975, la situation d'aujourd'hui à celle qui existait à la veille de la guerre de 1939.

L'activité diplomatique du Vatican (du moins celle que l'on connaît) ne paraît pas tirer de ce sombre diagnostic une incitation à se développer vigoureusement.

Certes, Mgr Agostino Casaroli poursuit-il ses rencontres avec les hommes d'État de l'Europe de l'Est. Certes, aussi, Paul VI lui-même suit de très près la situation au Moyen-Orient, sans faire mystère de ses opinions. Le 16 juillet 1974, il écrit aux membres de la Mission pontificale pour la Palestine : « Nous devons dire une nouvelle fois aux Palestiniens que nous les soutenons dans leurs légitimes aspirations. »

Et le Vatican publie, le 4 janvier 1975, un document sur les relations entre catholiques et juifs qui recommande vivement le dialogue et une action sociale commune, mais ne dit pas un mot de l'attachement du peuple juif à la Terre sainte, ce qui est évidemment remarqué.

Pourtant, en dehors des problèmes relatifs à cette région du monde, le Saint-Siège intervient peu et prend peu d'initiatives. Comme si le relatif essoufflement de l'administration vaticane était perceptible, aussi, dans le domaine diplomatique.

France

Le cardinal François Marty, président de l'épiscopat français, ouvre, le 9 novembre 1974, les travaux de l'Assemblée plénière. Il rappelle à ses pairs que l'évangélisation est une « exigence première » de leur mission. Ce propos traduit une préoccupation de plus en plus vive : les évêques sont sensibles aux aspirations religieuses grandissantes qu'ils croient discerner parmi leurs contemporains ; sensibles aussi aux reproches qui leur ont parfois été faits de ne pas assez parler de Dieu.

Politique

Mais sans cesse les événements, les appels que reçoivent les évêques de l'extérieur ou de l'intérieur du monde catholique amènent l'épiscopat à prendre des positions qui touchent par quelque côté à la vie sociale du pays, et qui reposent la question (elle a dominé la vie de l'Église de France dans les dernières années) des rapports de la foi et de la politique.