Les étrangers auront été les premiers à véritablement percevoir et tenir compte de la sous-évaluation des valeurs françaises, particulièrement nette après la hausse des grandes places internationales. Des raisons d'ordre politique, telles que l'annonce du référendum sur l'Europe, ou économique, comme la baisse des taux d'intérêt et les résultats satisfaisants de 1971, n'ont fait que contribuer à créer un climat nouveau.

À cet égard le développement des transactions est probant. À fin février, le chiffre des échanges est supérieur de 12,3 % à celui des deux premiers mois de 1971. À fin mars, ce taux, sur trois mois, passe à 23,2 %. À fin avril il est de 38,9 % et à fin mai de 50,4 %.

Le secteur pétrolier demeure certes à l'écart de cette tendance, influencé par le contexte international et les exigences des pays arabes qui vont aboutir à la nationalisation de l'Irak Petroleum Company.

La sidérurgie, en revanche, connaît une nouvelle heure de gloire. Les Français s'étaient habitués à des rendements de 10 %. Les étrangers savent en profiter. La construction et les travaux publics sont tout aussi favorisés après avoir été longtemps délaissés.

À défaut d'offre publique d'achat retentissante ou de fusion spectaculaire — si ce n'est le dénouement inattendu de l'affaire Jeumont-Schneider dans le cadre d'un rapprochement avec Merlin-Gérin —, l'année 1971-72 aura eu son grand conflit avec la crise des Assurances du Groupe de Paris où la Paternelle SA, le groupe Suez et son allié l'Abeille, la Banque de l'Indochine se sont affrontés dans des conditions mal éclaircies, les oppositions professionnelles se superposant aux oppositions personnelles.

Plus de 60 dollars l'once

Cette exceptionnelle fermeté du premier semestre qui conduit l'indice général des valeurs françaises à atteindre 95,2 le 8 juin, en hausse de près de 40 % sur le point bas de novembre, n'aura cependant guère été influencée par la hausse parallèle de l'or, amorcée depuis longtemps déjà.

En février, en effet, le cap des 49 dollars l'once est un instant franchi à Londres dans un climat spéculatif provoqué par l'inquiétude sur l'avenir du dollar et le maintien des parités nouvelles. C'est en mai, toutefois, que la tension se fait la plus vive. Le 2 mai effectivement le cap des 50 dollars l'once est passé tandis que se dégrade la situation vietnamienne et que l'offre de métal se fait réticente. Un mois plus tard, ce prix semble presque modéré quand l'once atteint 66,75 dollars le 8 juin, pour se maintenir pratiquement jusqu'à la fin juin 1972 au-dessus de 60 dollars, au moment même où la crise monétaire rebondit avec la décision britannique de laisser flotter la livre sterling.

Au-delà de la hausse immédiate des cours, les achats étrangers du printemps 1972 ont eu l'avantage de réveiller le marché français et de lui faire prendre conscience du rôle qu'il avait à jouer dans l'Europe élargie.

L'évolution des structures est amorcée avec la réforme du statut des agents de change — ils pourront constituer des sociétés de capitaux —, la mise en place des mécanismes de contrepartie et diverses mesures annexes qui doivent répondre au triple souci d'améliorer les conditions de financement des entreprises, d'assurer une meilleure protection des petits actionnaires et de renforcer la compétitivité de la place de Paris.

L'évolution des esprits est également en cours. L'entrée prochaine de la Grande-Bretagne dans le Marché commun présente la particularité d'être assez rarement redoutée dans les milieux industriels, de l'être presque toujours dans les milieux financiers. La puissance, l'expérience et le savoir-faire de la City sont de fait remarquables.

Il y sera fait face non en se réfugiant dans une passivité craintive, mais avec la volonté de tirer parti d'une telle confrontation et des secousses bénéfiques qu'elle ne manquera pas, évidemment, de provoquer.