Le retrait de cet amendement ne rend pas pour autant le sourire au marché financier, dont l'humeur est, début novembre, au noir le plus profond, comme en témoigne l'indice général des valeurs françaises amputé de 20 % en trois mois. L'importance même de cette baisse appelle cependant un correctif, étant donné que :
– pour n'être pas résolue, la crise monétaire laisse espérer un modus vivendi ;
– la situation économique de la France reste finalement satisfaisante et les prévisions des experts de l'OCDE sont même plutôt favorables pour 1972 ;
– la détente des taux de l'argent à long terme commence à être envisagée. Le taux d'escompte a d'ailleurs été ramené à 6,5 % le 28 octobre 1971 ;
– des mesures de relance du marché financier sont attendues ;
– un soutien des cours devient inéluctable, car les niveaux moyens de décembre serviront de base pour l'appréciation des bilans.

La dévaluation du dollar

Cette correction technique des excès commis à la baisse intervient de fait dès la mi-novembre. L'indice regagne rapidement 11 %, puis une pause se manifeste devant l'évolution des données monétaires. La pression renforcée sur le dollar conduit les autorités françaises à adopter de nouvelles mesures de protection. L'entretien Nixon-Pompidou des Açores, puis la conférence de Washington des 17 et 18 décembre apportent une conclusion provisoire à la crise : les cours des monnaies sont réalignés, le dollar dévalué de 7,89 %.

La France abroge alors la plupart des mesures défensives prises en août et décembre contre les entrées de capitaux. C'est pour la Bourse un point important qui s'ajoute à l'annonce d'un certain nombre de mesures de relance. Favorables aux investisseurs institutionnels, celles-ci négligent cependant les actionnaires privés et le climat reste indécis. Fixé à 3 % seulement, le taux des reports confirme l'abondance des liquidités disponibles et la réticence à investir. La tendance n'est guère plus favorable sur les valeurs étrangères affectées par le recul du dollar financier.

Banques et hypermarchés

Décembre permet toutefois de consolider la reprise de novembre et de trouver un nouvel équilibre. La Bourse peut alors se conformer à la tradition et progresser de nouveau en janvier. Délivrés du souci de la présentation de leur bilan, les investisseurs se montrent plus hardis. Le risque, il est vrai, semble limité. La place de Paris vient de connaître deux années de baisse, alors que la situation économique n'est pas si défavorable. Comparée aux bourses étrangères, elle est manifestement en retard.

Le franc, enfin, s'est bien sorti de la tourmente monétaire, ce qui rend les valeurs françaises attrayantes aux yeux des investisseurs étrangers pour peu que les contraintes administratives ne viennent pas les dissuader d'opérer en France. Enfin, une nouvelle diminution du taux de l'escompte, fixé à 6 %, laisse espérer une prochaine détente des taux des obligations dont l'attrait, depuis de longs mois, ne se dément pas.

Le marché est alors animé tour à tour par quelques secteurs privilégiés. Les sociétés de crédit, notamment, ont le vent en poupe, les résultats de l'exercice 1972 s'annonçant remarquables. Le groupe de la Compagnie banquaire et la Sovac retiennent ainsi l'attention. Les affaires de distribution bénéficient de même d'un engouement boursier sans précédent, telles Viniprix, Berthier-Saveco, Casino, et surtout Carrefour et ses associés. Sur un plan plus général, l'avoir fiscal résiste aux attaques répétées dont il est l'objet.

Ce n'est toutefois qu'au lendemain de la liquidation de février que s'anime véritablement la Bourse française sous l'impulsion d'achats étrangers émanant de Grande-Bretagne, de Suisse, d'Allemagne. Les établissements bancaires, les affaires alimentaires et de succursalisme ne sont plus les seuls points d'intérêt. Des situations particulières se développent sur Hutchinson et les Raffineries de Saint-Louis, et la Bourse recherche les spécialités à forte croissance comme la Générale Occidentale, Moulinex, les affaires de téléphone, L'Oréal, Jacques Borel International ou les Skis Rossignol. Les magasins — où Prénatal avait fait figure de pionnier — connaissent à leur tour un regain de faveur, mais aussi et surtout les grandes valeurs chimiques. C'est là le fait le plus significatif.