Journal de l'année Édition 1972 1972Éd. 1972

Il suffit, pour en juger, de compter les vitrines où s'épanouissent (sans distinction de quartier) les formes, les matériaux — où les plastiques sont rois —, les coloris mis au service des préoccupations de tous les jours, ustensiles de cuisine, de salle de bains, instruments du bricoleur, mobilier de jardin, objets usuels, rangements, luminaires, cendriers, machines à écrire, portemanteaux...

Du très luxueux au meilleur marché, les ensembliers et décorateurs proposent désormais une gamme de productions très éloignées les unes des autres par les prix, inhérents aux matières mêmes dont elles sont tirées et à la griffe de qui les a conçues, mais relativement proches la plupart du temps par l'esprit. Le fait que les antiquaires eux-mêmes ouvrent de plus en plus volontiers, du côté de Saint-Germain-des-Prés, leurs magasins à ces tables d'acier et de verre, à ces fleurs de métal ou à ces bibliothèques aussi légères et diaphanes que des bulles de savon, est la preuve d'un changement dans les mœurs. « On a longtemps résisté au design en France », notait Jacques Michel, « où la vie des formes est liée aux symboles et aux valeurs, mais celui-ci a toujours existé. Après tout, la tour Eiffel, qu'est-ce au juste sinon un design de première grandeur ? »

Art moderne à l'Élysée

Si la plupart de nos notables restent inconditionnellement attachés aux meubles et aux objets de style, les hôtes de l'Élysée, dont les goûts pour l'art contemporain étaient déjà connus, viennent de donner l'exemple. En faisant appel à un artiste comme Yacob Agam et à un décorateur comme Pierre Paulin pour transformer les appartements privés du vieux palais présidentiel, le président et son épouse ont fait montre d'une hardiesse peu répandue en un tel lieu.

L'antichambre, pour laquelle Agam a conçu un cheminement cinétique, est devenue un étonnant kaléidoscope aux couleurs savamment ordonnées, sous un plafond fait de plaques de transacryl peintes une à une par l'artiste. Le salon, le fumoir, la salle à manger, où des rhéostats commandent à volonté l'intensité des éclairages, où des meubles en matière moulée voisinent avec des sièges en matière translucide sous une superstructure formant voûte, les toiles qui ornent les murs, tout contribue à faire au cœur de la présidence une sorte d'appartement témoin, peut-être pour marquer la volonté des maîtres de maison d'officialiser en quelque sorte une nouvelle manière de vivre à partir d'un style nouveau ? Un style en général moins discutable que ne l'est son enveloppe extérieure, cette architecture qui, parvenue depuis vingt ans à un palier, semble bien manquer (à de rares exceptions près, du moins en France) du souffle nécessaire pour entreprendre enfin une nouvelle ascension sans céder au vertige.

Le nouveau parc des princes

Un énorme bâtiment en ellipse, pratiquement sans ligne droite. Un ordinateur a tout calculé et permis à cette masse de béton de 60 000 m3 de défier la pesanteur. Reliés par un bandeau de 452 m de long, 50 portiques soutiennent 50 consoles qui s'avancent en porte à taux sur 45 m au-dessus de 50 000 fauteuils.

Les cinq nouvelles préfectures de la région parisienne

Le style des bâtiments administratifs n'échappe pas, lui non plus, à une certaine mutation. Ces cinq nouvelles préfectures de la région parisienne, admirées par beaucoup, décriées par d'autres et rejetées par certains, ont quand même le mérite de rompre avec une architecture désuète, ennuyeuse et parfois austère qui était le plus souvent la marque de l'administration et de ses locaux.

À ville nouvelle, nouvelle préfecture ; voici ce qu'ont imaginé les architectes :
1. Bobigny : Michel Foliasson et Jacques Binoux — 2. Créteil : Daniel Badani — 3. Nanterre : André Wogenscky — 4. Évry : Guy Lagneau — 5. Cergy : Henri Bernard.