Journal de l'année Édition 1971 1971Éd. 1971

Au contraire, en s'étendant, le conflit est devenu plus que jamais politique. La clef de la paix n'est plus seulement entre les quatre partenaires de la conférence de Paris ; elle est aussi à Phnom Penh et dans les maquis cambodgiens, à Vientiane et dans les maquis laotiens.

La guerre s'enlise également dans les capitales étrangères et les opinions publiques. Washington a été le théâtre de nouvelles manifestations, mais elles n'ont pas eu l'ampleur des campagnes d'il y a deux ou trois ans. L'Américain moyen souhaite le retour des GI's, mais le conflit lui est indifférent. Les autres pays occidentaux n'ont guère réagi aux développements de la situation.

Quant aux capitales communistes, leurs protestations ne sont pas allées au-delà des habituelles accusations portées contre les Américains et les Sud-Vietnamiens. Moscou dialogue avec Washington, et Pékin semble surtout préoccupé de son ouverture à l'Ouest. Tout se passe comme si cette guerre (plus longue que la première guerre d'Indochine, plus longue que la guerre d'Algérie) était entrée dans les mœurs. Dans les journaux du monde entier, le conflit ne fait plus que rarement la une ; c'est une rubrique où le mot Indochine a remplacé le mot Viêt-nam. Et ce n'est pas l'interminable conférence de Paris (en mai 1971, elle a fêté son troisième anniversaire) qui, pour l'instant, va faire sortir de l'ornière l'imbroglio politico-militaire que constitue aujourd'hui le Sud-Est asiatique.

Laos

C'est dans la nuit du dimanche 7 au lundi 8 février que commence l'opération Lam Son 719. 20 000 soldats sud-vietnamiens, soutenus par l'aviation et l'artillerie américaines, entrent au Laos par l'ancienne route coloniale n° 9.

Les 9 000 GI's qui, les jours précédents, ont occupé solidement toute la zone frontalière et remis en service la base de Khe Sanh (abandonnée en 1968) s'interdisent pour leur part de pénétrer en territoire laotien ; le commandement a fait placer des pancartes : « Défense au personnel US d'aller au-delà. » Seuls les aviateurs et les pilotes d'hélicoptères survolent le pays, soit pour des missions de bombardement, soit pour transporter les troupes sud-vietnamiennes, ou enfin pour la récupération des blessés.

L'opération a un double but. Le premier est de tenter de couper près de sa source la piste Hô Chi Minh, cet ensemble de routes, de sentiers, de vallées qui, à travers les montagnes et la jungle, est la voie royale de l'approvisionnement des maquisards.

L'intervention au Cambodge d'avril 1970 avait stoppé en partie l'arrivée des hommes et du matériel au Sud Viêt-nam, mais cela uniquement aux débouchés de la fameuse piste. Nord-Vietnamiens et Viêt-congs avaient réorganisé le dispositif. Le second objectif de Lam Son 719 est de détruire les sanctuaires que les communistes et leurs alliés ont reconstitués au carrefour des frontières cambodgienne et laotienne, là encore après l'intervention au Cambodge.

L'opération dure environ un mois et demi. Vers la fin mars, la quasi-totalité des troupes vietnamiennes s'est repliée sur ses bases frontalières. Pour leur part, les Américains ont mis en œuvre des moyens considérables : 800 hélicoptères ont effectué plus de 50 000 sorties, 50 bombardiers géants 400, les chasseurs-bombardiers 13 000.

Est-ce un succès ? Un échec ? Washington et Saigon affirment que, dans son ensemble, Lam Son 719 a atteint les objectifs prévus. Mais les journalistes (même américains) qui, sur le terrain, ont vécu l'opération expriment pour la plupart un avis contraire. Recueillant les confidences d'officiers subalternes, témoins de combats acharnés (sur la colline 31, par exemple), de reculs hâtifs, ils ont présenté dans la presse internationale l'image d'un demi-échec et les mois qui ont suivi semblent leur donner raison.

Échec

En fait, aucun des objectifs que s'était fixés l'état-major n'a été réellement atteint. La piste Hô Chi Minh continue à fonctionner et les sanctuaires vietcongs demeurent. Les Sud-Vietnamiens, qui avaient fini par atteindre Tchepone, ont été contraints d'abandonner la ville. Quant aux Américains, ils ont été surpris par la puissance de feu de leurs adversaires. De nombreux hélicoptères et avions ont été détruits ou mis hors d'usage et les pilotes ont reconnu que, depuis le début de la guerre, ils n'avaient jamais rencontré un tel barrage antiaérien.