Goya et son temps (l'Orangerie des Tuileries, 26 sept.-7 déc. 1970) présente une soixantaine de tableaux de Goya, soit le dixième de son œuvre. Miroir magique des passions de son temps, Goya est, au sens psychanalytique, le témoin de son époque. On peut déplorer le choix restreint de l'exposition, l'absence de certains portraits majeurs, comme celui de la duchesse d'Albe, ou les grandes scènes de la guerre napoléonienne et de la répression. Mais tel qu'il nous apparaît, à travers le portrait de Charles III en chasseur, le tableautin du Mariage inégal ou la nature morte des Dorades, l'art de Goya est un art d'apparition. La haine, la bêtise, la concupiscence, l'angoisse affleurent derrière les poses officielles, les sourires inquiétants, les farandoles masquées. Et plus que dans l'évocation visionnaire de la folie et de la monstruosité (Scènes de cannibalisme, le Grand Bouc, le Préau de la Maison de fous, le Colosse), c'est dans les descriptions réalistes et scrupuleuses que le sommeil de la raison, la violence du désir (les Majas au balcon), le désenchantement (la Comtesse de Chinchon) et le désespoir de la décrépitude (les Vieilles) se lisent avec le plus de force. Goya voue ses créatures à la catastrophe, il livre la vertu comme la liberté, le courage comme la justice aux caprices de la fatalité ; avec lui, « peut-être, comme le dit Jean Cassou, le mal lui-même doit-il mal finir ».

Dessins du Musée national de Stockholm (Cabinet des dessins du Louvre, 21 oct. 1970-4 janv. 1971) provenant de la collection du comte de Tessin. Divisés en trois groupes, France, Italie, écoles du Nord, les cent dessins du comte de Tessin proviennent pour la plupart de ses achats parisiens. En rapport avec Watteau dès 1715, il réalise son coup de maître en 1741, alors qu'il est ambassadeur de son pays à Paris : il achète 2 057 dessins sur les 19 000 feuilles de la vente Crozat, et poursuit méthodiquement ses acquisitions au point de compromettre gravement sa fortune et d'être obligé de céder une grande part de ses gravures, dès 1750, à la collection royale. Malgré les qualités de la Troupe de comédiens de Watteau et de la Hure de sanglier de Chardin, malgré la rareté d'un Titien (Femme allongée sur le dos) et la perfection d'un Raphaël (Assomption de la Vierge), ce sont les artistes du Nord les mieux représentés : Van Dyck (Dame noble), Jordaens (Tête de satyre), Rubens, mais surtout Rembrandt avec son Arrestation du Christ et plusieurs études de femmes.

De Van Eyck à Spranger (Cabinet des dessins du Louvre, 27 janv,-19 avril 1971). Mort le 15 juillet 1970, alors qu'il venait de publier le dernier inventaire des dessins des écoles du Nord, Frits Lugt trouve naturellement son nom en tête de l'ensemble de 94 pièces attribuées à des artistes nés avant la séparation des Pays-Bas en deux écoles distinctes, hollandaise au nord, flamande au sud : pièces rares, comme la Tête de Vierge de Roger Van der Weyden, ou révélatrices, comme le Paysage alpestre de Bruegel ou les études de Jérôme Bosch pour la Nef des fous. Cependant que l'influence de l'Italie et du maniérisme apparaît au XVIe s. sous un jour très particulier avec les dessins de P. Candido (Lamentation sur le corps du Christ) et de Carel Van Mander.

Six maîtres de l'estampe japonaise au XVIIIe s. (Orangerie des Tuileries, 20 janv.-8 mars 1971) nous ont conviés à la redécouverte d'un art trop aimé des Goncourt. Ces merveilleuses scènes de « la vie qui passe » de Harunobu, la sensualité troublante d'Utamaro, les portraits énigmatiques de Sharaku, les Japonais y attachaient si peu d'importance, méprisant un art populaire, qu'ils les utilisaient comme papier d'emballage. C'est ainsi d'ailleurs que ces estampes parvinrent à Bracquemond et au groupe des Batignolles. En réalité, l'estampe est un art plus bourgeois que peuple. Le lyrisme des couples d'amants d'Harunobu cède assez vite la place à la peinture de la vie quotidienne : lutteurs et acteurs de Shunsho, jeunes femmes au bain ou à la promenade de Kiyonaga. Mais ce qui frappe le plus un Occidental c'est la distance qui sépare la préciosité et la poésie d'un Shunman (Retour d'une soirée poétique, la Rivière de cristal) de la vigueur et de l'économie de moyens d'un Sharaku, qui introduit naturellement au graphisme et à la mise en page modernes.

Expositions en province

À Marseille, tandis que le musée Cantini présente des peintures et des collages subtils de Magnelli, le musée Borely tente une initiation aux Chefs-d'œuvre d'Asie, mêlant à des objets rares, prêtés par les musées Guimet et Cernuschi, des moulages, des documents photographiques, un spectacle audio-visuel. Si la sculpture exotique reste l'élément essentiel de cette présentation didactique (bustes d'Asie centrale, grès roses khmers, stucs du Gandhara), on n'en remarque pas moins quelques belles céramiques grecques provenant des fouilles locales, la collection de terres cuites du musée avec de charmantes Tanagras et surtout le rare ensemble celtoligure du sanctuaire de Roquepertuse.