Dans le domaine des interactions faibles, de nombreux résultats ont été présentés sur les désintégrations des mésons K. Certains de ces résultats semblent confirmer la violation du principe de parité, découvert il y a cinq ans. Il existerait pour la nature un sens privilégié ; en quelque sorte, la droite et la gauche ne seraient pas équivalentes.

Dans le domaine des interactions électromagnétiques, les résultats les plus importants ont été obtenus avec les anneaux de collision (comme celui qui fonctionne à Orsay), qui permettent d'observer des interactions entre un faisceau d'électrons et un faisceau de positons (électrons à charge positive).

Quarks ou courants

Les physiciens sont toujours à la recherche d'une théorie rendant compte de façon cohérente des phénomènes qu'ils observent, un peu comme la table de Mendéléiev a jadis introduit l'ordre et la classification dans la description chaotique des propriétés chimiques des corps simples.

L'hypothèse (avancée par Gell-Mann) des quarks, particules qui seraient les constituants vraiment élémentaires des autres particules, ne semble pas confirmée par les derniers travaux sur les interactions fortes (Journal de l'année 1967-68). Un autre savant, Yuval Ne'eman, propose de considérer les forces atomiques comme des manifestations de « courants » plutôt que comme des particules distinctes.

De telles conceptions ne peuvent être formulées que dans un langage mathématique, mais elles expriment une réalité physique qui doit être vérifiée expérimentalement. Gell-Mann et Ne'eman ont ainsi élaboré, sur la base de la théorie mathématique des groupes, des modèles grâce auxquels ils ont même prédit l'existence d'une particule qui a été effectivement découverte par la suite.

Mais la physique subnucléaire est maintenant arrivée à un point où elle ne peut plus progresser sans disposer d'instruments permettant de communiquer à des particules des énergies encore plus élevées que celles qu'on a pu leur donner jusqu'ici.

Serpoukhov

Entré en fonctionnement en novembre 1967 (Journal de l'année 1967-68), le synchrotron à protons de Serpoukhov, près de Moscou, a commencé un an plus tard à être utilisé pour des programmes de recherche systématiques. Prévu pour communiquer à des protons des énergies de 70 GeV (milliards d'électrons-volts), il a atteint en fait 76 GeV. Bien que les installations annexes ne soient pas encore toutes en place (la chambre à bulles Mirabelle est en voie d'achèvement à Saclay), des expériences importantes ont déjà été menées à bien.

La première, lancée en présence du professeur Gregory, directeur général du CERN, avait pour but la détection des hypothétiques quarks. Elle a été négative : malgré des pièces spécialement conçus pour correspondre aux conditions optimales de création de particules ayant les caractéristiques de charge et de masse prévues par la théorie, la machine géante de Serpoukhov n'a pas fait apparaître un seul quark sur environ un milliard de collisions.

Selon M. Logounov, directeur de l'Institut des hautes énergies (nom officiel du laboratoire de Serpoukhov), ce résultat comporte trois conclusions possibles. Ou bien la probabilité d'apparition d'un quark, dans les conditions de l'expérience, serait inférieure à 1 sur 1 milliard ; il n'y aurait alors qu'à poursuivre les essais, en s'armant de patience. Ou bien les quarks ont une masse plus élevée que ne le prévoit la théorie (les particules utilisées à Serpoukhov n'étaient pas animées d'une énergie suffisante pour les faire naître). Ou enfin les quarks n'existent pas.

Les deux premières hypothèses pour être vérifiées exigent des accélérateurs encore plus puissants. L'énormité des dépenses réclamées par ce qu'on a appelé la mégascience avait paru un moment compromettre les espérances des physiciens. Mais ils reviennent à l'optimisme. Malgré la défection de la Grande-Bretagne, le CERN a pu reprendre sur des bases nouvelles le projet d'un grand accélérateur européen.

Une amputation de 25 % des dépenses prévues aura pour conséquences une réduction du personnel et de l'appareillage, et une limitation de l'intensité du faisceau de particules. L'énergie sera probablement limitée à 200 GeV dans la période initiale. L'espoir est conservé qu'un ralliement ultérieur de la Grande-Bretagne permettra de revenir aux caractéristiques du projet initial : 300 GeV, un faisceau de 1013 protons par seconde et la possibilité d'une large utilisation par les chercheurs extérieurs.