Dans sa version réduite, l'accélérateur du CERN devrait être achevé en 1977. Deux ou trois années seraient nécessaires, le cas échéant, pour revenir au plan initial, qui seul permettrait au nouvel accélérateur européen de jouer pleinement son rôle dans le développement de la physique fondamentale. En attendant, le relais de Serpoukhov aura été pris par les États-Unis, qui ont commencé la construction, près de Chicago, d'un accélérateur de 200 GeV, dont la mise en service est prévue (avec un peu d'optimisme) pour 1972.

Détection

Indépendamment des machines géantes, de nouveaux accélérateurs à destination particulière viennent s'ajouter à l'arsenal de la recherche. Tel est l'accélérateur linéaire inauguré en mars 1969 à L'Orme-des-Merisiers (Saclay).

Enfin, de grands progrès continuent d'être réalisés dans les dispositifs de détection des événements de l'univers subnucléaire produits à la sortie des accélérateurs : chambres à hydrogène de grand volume, champs magnétiques intenses par aimants supraconducteurs, systèmes optiques donnant des photographies à grand angle.

La vie

Biologie, biochimie

Première synthèse d'une enzyme

Un peu plus d'un an après la première fabrication in vitro d'un ADN de virus (Journal de l'année 1967-68) par Kornberg, Goulian et Sinsheimer, les États-Unis franchissent un nouveau pas vers la synthèse de la vie, but que proposait en 1965 Charles C. Price, président de la Société chimique américaine.

Le numéro du 15 janvier 1969 du Journal of the American Chemical Society annonce la première synthèse totale d'une enzyme, la ribonucléase pancréatique de bœuf, ou RNase A. Elle a été obtenue indépendamment par deux équipes de chimistes : l'une à l'université Rockefeller de New York, sous la conduite de Robert Merrifield et Bernd Gutte, l'autre dépendant des laboratoires Merck, Sharp et Dohme, à Rahway (New Jersey), dirigée par Robert M. Denkewalter et Ralph Hirschmann.

La synthèse d'une enzyme, que la cellule vivante accomplit couramment avec une efficacité remarquable, est pour le chimiste une tâche laborieuse et d'un rendement exécrable. Une enzyme est une protéine ; il s'agit donc d'attacher bout à bout, dans un ordre bien déterminé, plusieurs dizaines de molécules d'amino-acides choisis parmi les vingt modèles qu'utilise la cellule vivante.

Quand on sait que la chaîne de la ribonucléase A est formée de 124 de ces maillons, on conçoit que les travaux des deux équipes américaines soient considérés comme un véritable tour de force technique.

Assemblage

Dans les deux cas, il s'agit de l'exploitation réussie d'une technique plutôt que d'une idée nouvelle. L'équipe des laboratoires Merck est parvenue au succès par une méthode traditionnelle, mais non dépourvue de logique. À l'instar des constructeurs d'automobiles, qui assemblent sur un châssis divers organes déjà complexes, Denkewalter et ses chimistes ont commencé par synthétiser 19 fragments de faible longueur, qu'ils ont ensuite reliés bout à bout pour obtenir la macromolécule complète.

Si l'on désigne chaque amino-acide par son numéro d'ordre dans la chaîne et chaque fragment par ses amino-acides initial et terminal, le processus de synthèse se présente comme l'indique le tableau.

Purification

L'apparente simplicité de ce schéma est trompeuse. Chaque couplage de deux fragments nécessite plusieurs réactions chimiques préliminaires. Le produit obtenu à chaque stade doit être isolé du milieu réactionnel où, en plus de lui, sont dissoutes beaucoup d'autres substances : excès des réactifs de départ, sous-produits de la réaction, etc. Le produit isolé doit encore subir des opérations de purification très poussées avant d'être attaché au fragment consécutif.

L'ensemble du processus représente un labeur considérable, pour lequel 33 personnes au moins ont apporté leur concours de compétence et d'imagination. La quantité d'enzyme finalement obtenue ne représentait pourtant que quelques millionièmes de gramme.

Par contraste, la méthode de la seconde équipe apparaît comme un modèle d'efficacité et d'ingéniosité, sans supporter la comparaison, cependant, avec le processus de biosynthèse cellulaire. Merrifield et Gutte ont mis au point, pour la ribonucléase A, un processus de synthèse automatique fondé sur une idée originale.

Protéine insoluble

L'idée, émise par Merrifield en 1963, consiste à rendre insoluble la protéine en formation, depuis le couplage des deux premiers maillons jusqu'à l'accrochage du dernier. Ainsi sont évitées toutes les fastidieuses opérations d'isolement et de purification des fragments, puisqu'il suffit de filtrer le produit solide et de le laver après chaque addition d'un amino-acide.