Mille ans d'art en Pologne, le titre de l'exposition mettait en garde : il ne s'agissait pas seulement d'œuvres dues à des artistes polonais, mais aussi d'œuvres réalisées en Pologne par des créateurs venus de l'étranger. Au reste, la Pologne, sorte de plaque tournante, lieu de confluences, accueillit au cours des siècles de nombreux courants artistiques venus d'Europe, notamment de Rhénanie, surtout de France.

Toutes les formes d'art, peinture, sculpture sur pierre, puis sur bois à partir du xvie siècle, orfèvrerie, arts décoratifs, bijoux, armes ornées, plus de trois cents pièces formaient un splendide échantillonnage de la production artistique polonaise.

Certaines de ces pièces s'imposaient par leur qualité ; pour le Moyen Âge, le Christ en croix de Stargard, sculpture sur bois proche de certains christs rhénans, la célèbre Vierge à l'Enfant de Kruzlowa, une des plus belles sculptures polonaises, une tête de christ des débuts du xive siècle, et pour la peinture, des fragments de polyptyques, comme ceux des augustins et des dominicains.

La salle du trésor renfermait de nombreuses pièces rares et précieuses, dont deux calices : un calice de voyage avec sa patène, datés des environs de l'an 1000, un calice, accompagné lui aussi de sa patène, dit du prince Conrad de Mazovie, ornés de gravures remarquables. On voyait également le Coq de la confrérie des tireurs de Cracovie, du xvie siècle.

La salle réservée au château royal de Wavel, de Cracovie, réunissait un ensemble de ses célèbres tapisseries et des têtes en bois peint, polychromes, de l'école Wit Stwosz, qui ornaient ses plafonds. La peinture, de la fin du xvie au xviiie siècle, est caractérisée par l'abondance des portraits, dont ceux, typiquement polonais, dits « sarmates » et qui étaient fort bien représentés. L'art des portraits funéraires, propre à la Pologne du xviie siècle, constituait une des révélations de cet ensemble.

Les sept tableaux de Bellotto, parmi les plus beaux que le Vénitien ait peints à Varsovie (ils servirent de documents de base pour la reconstruction de la ville après la guerre), dominaient les salles consacrées au xviiie siècle. Enfin, un ensemble de tableaux permettait de suivre l'évolution de la peinture au xixe siècle et d'y déceler les influences (surtout françaises) qu'elle subit. Le musée Galliera abritait des peintures qui donnaient une vue d'ensemble des bouillonnements qui agitèrent le monde des arts en Pologne, parallèlement à l'effervescence russe, à l'époque de la Première Guerre mondiale. On y discernait les courants nombreux qui se partagèrent les peintres polonais du début du siècle à nos jours.

Paul Delvaux (musée des Arts décoratifs, Paris, 11 mai - 28 juillet 1969)

Célèbre en Belgique, son pays, Paul Delvaux est moins connu en France. La rétrospective présentée par le musée des Arts décoratifs était la première grande exposition que Paris lui consacrait. Couvrant trente années de son travail, elle commençait en 1928, avant l'événement qui devait changer le cours de son œuvre, jusqu'aux dernières toiles peintes quelques mois plus tôt.

Delvaux ne s'en cache pas, sa rencontre avec la peinture surréaliste de Chirico devait avoir sur lui une action déterminante. Elle le révéla à lui-même. Jusqu'alors il avait pratiqué un art influencé par Permeke. Il admirait Ensor. Et c'est ce que nous pouvions voir dans les débuts de l'exposition. Après, tout change.

Là se place sa découverte de Chirico en 1934. La mutation ne fut pas soudaine. Il lui fallut une longue réflexion avant de parvenir à la juste conscience de ce qu'il voulait faire.

Dès lors, Delvaux se plonge et nous plonge dans un monde qui lui est personnel, riche de symboles et capable de rendre perceptible l'indicible. Au début, parfois, il se sert du vocabulaire des surréalistes. Puis il s'en écarte. Il ne cherche pas à faire venir au jour les monstres endormis dans l'inconscient, mais à créer un univers d'irréalité d'où naît une étrange poésie. Les trois thèmes qu'il traite sans jamais se lasser, ce sont les trois hantises de l'existence : la solitude, la mort et la femme. Des squelettes mènent la vie de vivants, dans des architectures imaginaires ; dans des gares pétrifiées, sur des chemins qui n'aboutissent nulle part, des êtres passent qui ne se reconnaissent pas ; de petits employés strictement vêtus croisent des femmes nues indifférentes à leur nudité.