Journal de l'année Édition 1968 1968Éd. 1968

Tout autour de Saigon, de fortes unités vietcongs se sont implantées et il ne se passe pas de nuit sans que l'aérodrome de Tan Son Nhut soit harcelé au mortier ou aux roquettes. Dans un rayon de 10 à 15 kilomètres, chaque jour, des accrochages se produisent.

La population vit dans l'insécurité, toujours avec la crainte de nouveaux combats de rue. Les Américains ont été contraints de créer une série de lignes de défense. Autant de troupes que la menace vietcong, désormais permanente, condamne à l'immobilité.

La bataille de Hué

Plus de 11 000 morts et blessés. 145 000 sans-abri, un amas de ruines, tel est le bilan de la bataille de Hué. Vingt-cinq jours de combats acharnés ont fait de la vieille cité impériale un tas de décombres.

C'est dans la nuit du 31 janvier au 1er février que les Nord-Vietnamiens et le Viêt-cong déferlent sur Hué. Agissant avec rapidité, presque sans tirer un coup de feu, ils s'emparent de la vieille ville au pied de la Citadelle, de la Citadelle elle-même (un quadrilatère de 2 600 m de côté, clos de murailles de 3 à 10 m d'épaisseur) et d'une partie de la ville nouvelle.

Au sommet du palais impérial, le FNL plante son drapeau bleu et rouge frappé d'une étoile d'or. Il crée un gouvernement révolutionnaire et affirme son intention de rester. Manifestement, l'attaque de Hué a été préparée de longue date : le Viêt-cong bénéficie de l'appui de la population, des emplacements de combat sont prêts, les circuits de ravitaillement en hommes et en munitions sont en place.

Dans les heures qui suivent, la contre-attaque est déclenchée. La nouvelle ville, où se trouve le camp des conseillers américains et la base des troupes sud-vietnamiennes, est reprise ; mais rapidement le commandement s'aperçoit que la reconquête de la vieille ville et de la Citadelle ne sera pas aussi facile.

L'assaut final

Les Nord-Vietnamiens se sont assuré le contrôle des abords de la cité et les renforts américains sont constamment accrochés. Le 7 février, le Viêt-cong fait sauter l'unique pont qui traverse la rivière des Parfums, et par lequel on accède à la Citadelle.

Les Américains, sous le feu adverse, construisent un pont de bateaux. Le 13 février, la vieille ville est reconquise. Il reste la Citadelle. Chaque jour, elle subit les bombardements de l'artillerie et de l'aviation. Mais les Nord-Vietnamiens, estimés alors à 600 ou 800 hommes, résistent.

Le samedi 24 février, l'assaut final est donné, après un violent bombardement d'artillerie. Les Américains hissent la bannière étoilée sur le palais impérial. Les derniers Nord-Vietnamiens ont fui par des souterrains ; il ne reste plus dans la ville que quelques tireurs isolés. La Citadelle est reconquise. Toute la région aux alentours reste cependant sous le contrôle des Nord-Vietnamiens.

La bataille de Khe Sanh

On pouvait croire que l'offensive vietcong laisserait aux Américains de Khe Sanh quelque répit. Il n'en a rien été. La base de 6 000 Marines, qui avait été sérieusement attaquée à la veille même de cette offensive, n'a pu desserrer l'étau des divisions nord-vietnamiennes.

Plus encore, Khe Sanh a vu celles-ci se rapprocher des derniers périmètres de défense. Le 8 février, après une sanglante bataille, les Nord-Vietnamiens s'emparent du camp des forces spéciales de Lang Vei, à 3 200 m au nord-est de la base elle-même. Parallèlement, chaque jour ou presque, Khe Sanh est pris sous le feu de l'artillerie lourde nord-vietnamienne. Durant tout le mois de février, jamais la pression des forces communistes ne se relâchera : à peine une patrouille de reconnaissance quitte-t-elle le camp qu'elle est accrochée.

Le bilan

Contrairement à ce qu'avaient affirmé certains chefs militaires américains, le FNL a démontré qu'il représentait une force politique et militaire croissante. Les diverses opérations du mois de février supposent une infrastructure technique qu'il est difficile de concevoir sans l'appui au moins tacite de larges couches de la population.

En second lieu, l'offensive du FNL apparaît, au point de vue militaire, comme un succès. Certes, les commandos vietcongs n'ont conservé aucune ville, aucun village ; mais le fait même qu'ils aient obligé les Américains à abandonner les campagnes pour concentrer des effectifs non négligeables autour des villes constitue, sur le plan stratégique, une victoire indéniable.