Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

nuisance (suite)

Dans d’autres cas où il convient d’éviter à tout prix la détérioration de l’environnement, on pense y parvenir à travers la détermination de normes que les agents de l’activité économique doivent respecter. En principe, la norme est un impératif reposant sur des contraintes légales ; par exemple, il s’agit d’empêcher ou de limiter directement — au moyen d’un système de réglementations, interdictions et concessions — des activités nuisibles à l’environnement. Ainsi, une industrie n’aura un permis d’exploitation que si elle se conforme à la réglementation. D’une façon générale, il est admis que le recours à des normes impératives est le meilleur moyen pour éviter la création de nuisances absolument indésirables, ayant des effets graves et irréversibles. Par exemple, il ne serait pas raisonnable de faire confiance à de simples incitations économiques pour limiter les rejets de composés mercuriels dans les eaux : une interdiction absolue est nécessaire (ou une taxe très élevée).

Comme, bien souvent, l’agent pollueur se trouve contraint d’engager les dépenses nécessaires pour respecter les normes, cette méthode représente un cas simple d’application du principe selon lequel « les pollueurs doivent être les payeurs ». Néanmoins, cette méthode reste d’une application limitée en raison de difficiles problèmes de mise en œuvre (les normes seront-elles supportables face à la concurrence internationale ?) et de sanctions (trop faibles, elles n’amènent pas les agents à lutter contre la pollution ; trop fortes, elles ne sont jamais appliquées). Aussi, en raison des limitations de cette méthode de contrôle, les préférences s’adressent-elles de plus en plus à celle des redevances, où le principe « pollueur-payeur » connaît une application directe puisque la collectivité met à la charge du pollueur la valeur des dommages qu’il provoque ou le coût des opérations nécessaires pour prévenir ces dommages. Les limites dans lesquelles évoluent ces redevances sont déterminées par les normes choisies par la collectivité. Plus les normes sont exigeantes, plus les redevances sont élevées ; il s’agit donc de fixer des redevances d’un niveau tel qu’elles incitent au respect des normes. L’avantage du système réside dans le fait que les redevances dégagent des recettes qui peuvent être affectées au financement d’installations de lutte contre les nuisances individuelles (en accordant des primes, des prêts à taux réduit pour la construction de stations d’épuration individuelles par exemple) ou collectives (mise en place d’une station d’épuration des eaux communes à plusieurs entreprises).


Le thème de la croissance zéro

L’ampleur prise par le phénomène des nuisances au cours des dernières années a amené certains à soutenir que la croissance économique, étant principalement responsable de la multiplication des nuisances, devrait être freinée sinon stoppée (école de la « zero economic growth »). Il existerait des limites physiques et écologiques à la poursuite de l’expansion démographique et de l’expansion industrielle : ces dernières seraient à l’origine d’un blocage des processus naturels d’absorption des déchets et du recyclage des substances chimiques. Cette thèse de la croissance économique nulle est très vivement combattue par ceux qui estiment qu’une orientation différente de la croissance économique permettrait d’éviter que la consommation excessive ne surcharge les processus naturels de résorption des déchets.

La réglementation française contre le bruit

Sans pouvoir être qualifié à proprement parler de « pollution » (voir pollution, législation française contre les diverses formes de pollution), le bruit devient, dans la civilisation contemporaine, une des principales « nuisances » et une réglementation a du être progressivement mise en vigueur pour en enrayer les effets les plus néfastes.

Cette nuisance, qui concerne les domaines de l’habitation, de l’urbanisme, des conditions du travail et des loisirs, ne fait pas l’objet d’une réglementation générale au plan national, quelques textes du Code pénal, de la législation sur les établissements classés, du Code de la route et de la législation applicable aux chantiers portant seulement des dispositions antibruit de nature incomplète et fragmentaire.

Le Code pénal français punit dans son article R34 (8e) d’une amende de 80 à 160 F (et de cinq jours de prison en cas de récidive), les auteurs ou complices de bruits, tapages ou attroupements injurieux ou nocturnes, troublant la tranquillité des habitants ; mais ce texte — en dehors des cas « injurieux » — ne permet que de réprimer les fauteurs de bruits dans les habitations pendant la nuit (tapage nocturne) qui, entendus du dehors, sont susceptibles de troubler le repos des habitants.

Une loi de 1917 protège le voisinage des établissements contre le bruit que ceux-ci provoquent : un établissement classé non déclaré, ou non autorisé, peut être interdit d’activité par arrêté préfectoral. Une suspension provisoire peut être prononcée.

Le Code de la route a pris des dispositions restrictives concernant l’usage de l’avertisseur : les véhicules automobiles (ainsi que les engins motorisés à deux roues) ne doivent pas émettre de bruits pouvant causer une gêne aux usagers de la route ou aux riverains (amende de 80 à 160 F) ; l’échappement libre est interdit et le silencieux efficace prescrit ; sauf en cas de danger immédiat l’avertisseur ne doit pas être utilisé en agglomération et, la nuit, il est strictement interdit sauf cas d’absolue nécessité. La suppression du silencieux peut entraîner l’immobilisation du véhicule ; un véhicule exagérément bruyant peut faire l’objet d’un contrôle. Un arrêté ministériel du 13 avril 1972 prévoit les niveaux sonores (en décibels mesurés à 7,50 m de la zone de bruit) qui ne doivent pas être dépassés (de 73 à 91 dB). Les engins de chantiers bruyants sont réglementés au plan national par le décret du 18 avril 1969 et par deux arrêtés interministériels du 11 avril 1972, qui limitent les niveaux sonores des groupes motocompresseurs et des moteurs des engins de chantiers.