Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Norvège (suite)

À partir de la fin du viiie s. apparaît le phénomène viking, dû sans doute au surplus de population, à une technique supérieure dans la construction navale et la fabrication des armes, et au goût de l’aventure. De tous les Scandinaves, ce sont les Norvégiens qui s’aventurent le plus loin à l’ouest ; ils colonisent les îles Shetland, Orcades et Hébrides ainsi que l’île de Man ; ils peuplent les îles désertes d’Islande et de Féroé et participent à la conquête des îles Britanniques. Ils poussent jusqu’au Groenland et au Labrador où leurs bateaux ont été retrouvés. (V. Normands.)

Ces expéditions, qui durent jusqu’au xie s., sont capitales pour l’évolution de la Norvège elle-même, car de nombreux Vikings, revenus dans leur pays après leurs razzias, y introduisent la culture qu’ils ont rencontrée en Europe occidentale et particulièrement le christianisme.

Des épopées, des chroniques, les « sagas », récits historiques transfigurés par la légende, nous ont laissé le souvenir de ces âges héroïques, mais, écrites à partir du xiie s., elles ne donnent que des renseignements assez aléatoires sur ces époques. C’est par elles cependant que nous connaissons les premiers essais d’organisation étatique entrepris par une famille de chefs norvégiens de l’Ouest, les Ynglingar.

Le roi Harald Ier Hårfager (« à la Belle Chevelure ») réalise, selon la tradition, l’unité de la Norvège en écrasant à la bataille du Hafrsfjord (v. 872) près de Stavanger les petits chefs locaux de l’ouest du pays. En réalité, Harald Ier et sa postérité ne semblent pas avoir établi leur autorité effective au-delà des régions occidentales, et, jusqu’au xie s., l’histoire de cette dynastie se partage entre les expéditions maritimes en Angleterre, les luttes intestines pour le pouvoir et les récoltes de leurs vassaux, dont le plus important, le comte (jarl) de Lade, régna sans partage sur le Trøndelag.


Le Moyen Âge : l’établissement du pouvoir monarchique (995-1380)

La Couronne retrouve son prestige sous les règnes d’Olav Ier Tryggvesson (995-1000) et surtout d’Olav II Haraldsson (1016-1030), qui s’emploient à convertir leurs sujets au christianisme grâce à des missionnaires allemands et anglais. Des évêchés sont alors fondés à Trondheim, à Bergen et à Oslo. Le roi Olav II, tué à la bataille de Stiklestad contre le roi de Danemark et d’Angleterre Knud* le Grand, qui a envahi le pays (1028), devient, après sa mort, le roi légendaire saint Olav, le protecteur et le héros de la Norvège.

La domination danoise est vite rejetée par les Norvégiens, qui, en 1035, placent sur le trône le fils de saint Olav, Magnus Ier le Bon (1035-1047). Après que son successeur Harald III Hårdråde (le Sévère) [1047-1066] a échoué dans sa conquête de l’Angleterre, l’activité viking commence à décliner en Norvège, et quelques souverains comme Olav IV Magnusson (1103-1115) et Sigurd Jorsalafare (1103-1130) essaient plutôt d’établir dans leur royaume une organisation étatique semblable à celle des monarchies de l’Occident chrétien.

À la mort de Sigurd, en 1130, les querelles dynastiques vont affaiblir le pouvoir royal. C’est l’Église, bien organisée en 1152 selon l’idéal de la réforme grégorienne, qui reste la puissance essentielle ; ses clercs formés à Paris essaient d’extirper les survivances du paganisme barbare et de le remplacer par l’idéal chevaleresque. L’Église s’efforce ensuite de rétablir l’autorité royale en procédant, en 1163, au premier sacre en la personne de Magnus V Erlingsson, qui va s’intituler « roi par la grâce de Dieu ».

Sverre Sigurdsson (1180-1202) impose aux nobles comme aux clercs l’obéissance au pouvoir royal ; il lutte par les armes contre le parti ecclésiastique et met ses agents à la tête des provinces. À partir du règne de son petit-fils, Haakon IV Haakonsson (1223-1263), la Norvège fait figure de grand État et n’a rien à envier aux autres royautés occidentales.

Haakon réconcilie l’Église et le pouvoir, fixe sa capitale à Bergen, rétablit son autorité sur les îles de l’Atlantique (Féroé, Orcades, Shetland) ainsi que sur l’Islande et le Groenland, entretient des relations suivies avec les autres princes chrétiens, particulièrement avec le roi d’Angleterre Henri III et la ville de Lübeck, avec lesquels il signe des traités de commerce.

Le règne de son fils Magnus VI Lagaböte (le Législateur) [1263-1280] marque l’apogée de la grandeur norvégienne : la législation et l’administration sont régularisées, et l’urbanisation encouragée. C’est l’époque aussi où fleurissent les plus belles sagas. En 1266 toutefois, au traité de Perth, le roi doit abandonner au roi d’Écosse, Alexandre III, l’île de Man et les Hébrides. En 1277, un statut confirme la prépondérance d’une nouvelle classe sociale, la noblesse, qui n’a plus rien de commun avec celle des anciens seigneurs fermiers du haut Moyen Âge.

Sous les successeurs de Magnus, le pouvoir monarchique doit compter avec les intérêts de l’aristocratie et des Hanséates. Le conseil du roi, en effet, formé de grands seigneurs laïques et ecclésiastiques, s’oppose à toute activité du pouvoir central qui menace ses intérêts ; les riches marchands de la Hanse* qui établissent leur suprématie économique sur le pays (création du comptoir de Bergen en 1343) agissent de même, et les bourgeois norvégiens voient leurs intérêts sacrifiés à ceux de ces étrangers.

La peste noire qui ravage l’Europe est particulièrement meurtrière en Norvège : on estime que près des deux tiers de la population ont péri du fléau (1349). Des campagnes entières se dépeuplent et, faute de bras, elles ne sont plus mises en valeur. Des émigrants suédois, danois et allemands envahissent le royaume, tandis que la pauvreté et la récession économique s’étendent sur le pays pour plusieurs siècles. Cette crise explique en grande partie l’affaiblissement politique de la Norvège, qui va bientôt disparaître, en tant que pays indépendant, de la scène politique. Au même moment, ses établissements extérieurs disparaissent au Groenland, où les populations scandinaves s’éteignent au xve s. ou bien se détachent de la métropole (Islande).