Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

noblesse (suite)

La noblesse parlementaire, dite « de robe », plus cultivée et moins libertine, est de souche aussi ancienne que la noblesse dite « d’épée », notamment en Bretagne, malgré une opinion communément répandue, mais erronée. Elle est souvent plus riche qu’elle et gère avec efficacité et dureté une fortune terrienne à 80 p. 100. Elle contribue, aux côtés de la noblesse des Grands, à l’instauration du régime aristocratique de la polysynodie au temps de la Régence (1715-1718), avant d’animer avec elle la réaction nobiliaire, qui fait réserver — en 1781 par l’édit de Ségur — aux seules nobles à quatre quartiers les sous-lieutenances dans la cavalerie et dans l’infanterie françaises : ainsi l’une et l’autre de ces deux noblesses tentent-elles de sauver de la misère la masse des gentilshommes campagnards, ruinés par les frais d’équipement de leurs fils, les dots de leurs filles et l’habileté extrême des prêteurs bourgeois. En exigeant en outre, de ce fait, avec plus d’âpreté des droits féodaux anciens ou oubliés en vertu de titres exhumés des terriers, voire créés de toute pièce par les feudistes, ces gentilshommes suscitent un puissant courant de mécontentement dans les campagnes. Nobles provinciaux à résidence urbaine, bénéficiant pourtant d’une aisance relative, les « bons ménagers » renforcent ce courant par une habileté encore plus grande à exiger le versement de droits tombés en désuétude.

La noblesse est complétée par la masse des anoblis, qui donnent à la finance, c’est-à-dire à la gestion des capitaux des Grands, du clergé de France ou du roi, l’essentiel de leur fortune. Elle constitue sous le règne de Louis XVI le « parti de la Cour », dont la morgue, l’accaparement des charges et la révolte contre les réformes politiques et surtout financières de Galonné et de Brienne, en 1787 et en 1788, provoquent la révolution de 1789, à laquelle se rallient pourtant quelques nobles libéraux, qui acceptent l’abolition, avec rachat, de leurs droits réels dans la nuit du 4 août 1789, — « la nuit folle » — ainsi que la suppression des titres de noblesse le 23 juin 1790.

Anoblissement

L’anoblissement est réservé au roi seul selon un principe admis par tous ; il peut être réalisé soit par lettre patente toujours individuelle, soit par charge. Née sans doute vers la fin du xive s., vérifiée et enregistrée par la Chambre des comptes, puis par la Cour des aides et par le parlement, la lettre d’anoblissement a été utilisée judicieusement et parcimonieusement (183 seulement signées par François Ier), mais elle a, par contre, été rarement gratuite ; seuls les riches roturiers en bénéficiaient, pour le plus grand profit du Trésor royal. L’anoblissement par charge, beaucoup plus fréquent et plus coûteux, confère soit la noblesse au premier degré, qui est à la fois immédiate et héréditaire si le titulaire l’exerce pendant vingt ans ou meurt à la tâche, soit la noblesse graduelle, qui n’est acquise définitivement que lorsque deux générations ont exercé ces charges pendant vingt ans ou sont décédées entre-temps. Alors que les charges de « commensal du roi » (celles des grands officiers de la Couronne, des secrétaires d’État, des conseillers d’État et des maîtres des requêtes) ainsi que celles des membres du Grand Conseil, des requêtes de l’Hôtel et parfois des parlements et du Châtelet de Paris permettent l’anoblissement au premier degré, par contre les charges secondaires de judicature, les charges de finances (les plus nombreuses) et les charges municipales (capitouls de Toulouse, échevins de Paris, etc.) n’autorisent qu’un anoblissement graduel et toujours coûteux, à moins que les nouveaux titulaires ne soient déjà nobles, ce qui est le cas des neuf dixièmes des nouveaux parlementaires à Paris au xviiie s.


Conclusion

Supprimée en tant qu’ordre juridiquement privilégié par les révolutionnaires de 1789, condamnée en tant que force politique par l’opinion publique en raison de son attitude contre-révolutionnaire et de son action dans l’émigration, la noblesse de l’Ancien Régime est rétablie dans ses titres, mais non dans ses privilèges, par l’article 71 de la charte de 1814, qui reconnaît également la noblesse d’Empire. Accordée en récompense à de bons serviteurs de l’État et non à une famille comme sous l’Ancien Régime, attachée très souvent à l’exercice d’une haute fonction (un grand dignitaire est prince, un ministre est comte, etc.), cette noblesse d’Empire est une noblesse de titres (chevaliers, barons, comtes, ducs et princes), dont le statut est défini par le sénatus-consulte du 11 mai 1808. Viagère, elle ne devient héréditaire que si son détenteur dispose d’un majorat constitué par l’Empereur ou réuni par le bénéficiaire (15 p. 100 des titrés de Napoléon Ier), à moins qu’il ne représente la troisième génération de chevaliers honorés de la Légion d’honneur.

Accrues de tous ceux qui se font octroyer des titres de courtoisie par Louis XVIII, les deux noblesses d’Ancien Régime et d’Empire ne sont plus, après 1815, que des noblesses de titres, dont elles acceptent d’ailleurs la déclinaison (le fils d’un duc est comte), principe contraire à la tradition de l’Ancien Régime. Supprimés en 1848, rétablis en 1852, les titres nobiliaires ne sont plus confirmés en France depuis 1876-77, mais ils sont simplement tolérés pour des raisons fiscalement intéressées, le droit d’investiture ayant été porté en 1947 à 1 000 NF.

Dans ces conditions, le port de titres nobiliaires n’est plus en France (3 600 familles nobles), comme d’ailleurs dans le reste de l’Europe et même au Japon, que la lointaine survivance d’un ordre politique, économique et social aujourd’hui révolu dans un monde attaché au principe de l’égalité civile.

Les privilèges de la noblesse

Privilèges d’honneur

Port de l’épée, port d’armoiries timbrées, jugement au civil par le bailli lui-même, jugement au criminel par le parlement, exécution par décollation et non par pendaison, monopole exclusif de la chasse (partiel en Bretagne).