Niẓāmī (suite)
L’œuvre de Niẓāmī se compose de cinq grands poèmes masnavi (v. Iran, littérature) de sujets différents et dont l’ensemble constitue environ vingt-huit mille vers. Le Trésor des mystères, la première épopée que le poète ait écrite, vers l’âge de trente-cinq ans, a essentiellement un caractère moral et philosophique. Niẓāmī y traduisit un aspect de son tempérament qui le portait à la réflexion mystique (pour certains biographes, il aurait, en effet, suivi la « voie » d’un grand maître de son temps). Cette première œuvre s’inspira vraisemblablement des grands poèmes de Sanā’ī († 1130), considéré comme le plus important des écrivains mystiques persans avant ‘Aṭṭār* et Rūmī, mais Niẓāmī changea de ton dans son deuxième poème, Khosrow et Chirin, en s’engageant alors dans le roman, relatant l’illustre passion du souverain sassanide Khosrô pour la servante arménienne Chirin (devenue princesse chez Niẓāmī). La peinture des sentiments apparaît sincère et témoigne d’une grande finesse psychologique. Laylā et Madjnūn, héros du troisième masnavi de Niẓāmī, sont deux jeunes amants célèbres dans la littérature populaire arabe. De la même tribu, le malheur les frappe néanmoins : leur union est rendue impossible par la précocité de leur âge. Madjnūn (le Fou), ayant véritablement perdu l’esprit à la suite de son désespoir, sera sauvé par sa vocation, qui l’amène à composer des chants d’amour pour réjouir le cœur des hommes. Les Sept Portraits ou Livre de Bahrâm se rapporte de nouveau à l’histoire sassanide et à son prince Bahrâm V, dit Bahrâm Gur (Gur = onagre ; ce surnom lui fut donné en raison de sa prédilection pour la chasse). Le corps de l’histoire est constitué par sept récits que font au souverain les sept princesses venant des sept contrées et qui passent chacune un jour de la semaine avec lui. Enfin, la dernière épopée est un Livre d’Alexandre. Dans ce poème, Niẓāmī réussit à dresser d’Alexandre un double portrait : celui du guerrier superbe et celui du penseur aux profondes réflexions sur la destinée humaine.
L’influence de Niẓāmī fut grande. La richesse de son talent, fait de la sensibilité la plus fine et d’une imagination surprenante, sur lesquelles vint se greffer une sérieuse culture et une grande profondeur dans la réflexion, a suscité une longue chaîne d’imitateurs : Amir Khosrow de Dehli (1253-1325), Khādju († v. 1351), Djāmī* († 1492), Hātifī (Hātefi) [† 1521]...
B. H.
H. Ritter, Über die Bildersprache Niẓāmis (Berlin et Leipzig, 1927). / M. Ritter et J. Rypka, Ein romantisches Epos (Prague, 1934). / R. Gelpke, Die sieben Geschichten der sieben Prinzessinnen (Zurich, 1959).