Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Nicolas II (suite)

La flambée de terrorisme, les grèves, les mutineries militaires (notamment celle des marins du Potemkine, juin-juill. 1905) acculent le tsar, dont les armées essuient de dures défaites (Port-Arthur, Moukden, Tsushima) au cours d’une guerre russo-japonaise qui se termine (traité de Portsmouth, sept. 1905) par l’abandon aux Japonais de Sakhaline et de la Mandchourie. Le 30 octobre 1905, dans un manifeste, le tsar promet un régime libéralisé, comportant notamment l’élection d’une douma. Ce manifeste est bien accueilli par les cadets et les octobristes, partisans d’un régime à l’occidentale ; mais il ne peut être accepté par les révolutionnaires marxistes, qui militent au sein des conseils ouvriers, ou soviets ; et ceux-ci tentent une lutte armée qui est écrasée (janv. 1906).

Alors, le tsar promulgue les lois fondamentales qui ôtent au régime électoral tout caractère démocratique, les électeurs étant divisés en curies correspondant aux différentes classes sociales. Cependant, l’assemblée qui se réunit en mai 1906 se targue d’être la « douma des espérances populaires » ; animée par les « cadets », elle réclame un véritable régime parlementaire ; aussi est-elle dissoute dès juillet 1906. Nicolas II s’appuie alors sur un conservateur autoritaire et décidé, Petr Arkadievitch Stolypine (1862-1911), qui, ministre de l’Intérieur depuis 1904, est devenu Premier ministre. Stolypine se débarrasse d’une nouvelle douma (mars-juin 1907), plus réformiste encore ; par une modification nouvelle du régime électoral, il fait de la troisième assemblée, la « douma des seigneurs » (1907-1912), un instrument docile du pouvoir. Tranquille de ce côté, il favorise la classe aisée des paysans, les koulaks : un oukase du 22 novembre 1906 leur permet en effet de se retirer du mir et d’acquérir des fermes individuelles ; les koulaks constitueront dès lors un ferme appui du régime.

Mais Stolypine est assassiné par un révolutionnaire (sept. 1911) et l’agitation reprend. La quatrième douma (1912-1917), composée en majorité d’opposants, ne réussit cependant pas à imposer son contrôle au gouvernement tsariste, malgré le discrédit que l’influence de Raspoutine fait jaillir sur le couple impérial.


La politique extérieure, la chute du tsarisme

Pacifique par tempérament, Nicolas II croit d’abord pouvoir faire triompher en Europe l’idée de paix ; c’est lui qui, en 1899, prend l’initiative de la première conférence internationale de la paix à La Haye ; en 1903, il persuade François-Joseph d’éviter une guerre avec la Serbie à propos de la Macédoine. Cependant, il doit tenir compte de l’alliance franco-russe, scellée par son père ; lors de son voyage à Paris en 1896, le tsar reçoit un accueil enthousiaste, ce qui ne l’empêchera pas, en 1905, de se laisser circonvenir à Björkö par Guillaume II, qui lui arrache un projet d’alliance germano-russe, projet qui sera d’ailleurs sans lendemain. C’est aussi sans l’accord de la France que Nicolas II se lance dans la guerre russo-japonaise dont les désastres (1905) pèseront si fortement sur l’évolution de l’esprit public en Russie.

La défaite russe en Extrême-Orient ramène le tsar à une politique plus modérée ; l’accord anglo-russe du 31 août 1907, en mettant un terme au duel, en Asie, « de l’ours et de la baleine », favorise une Triple-Entente (France, Russie, Grande-Bretagne) qui pourrait contrebalancer la Triplice (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie). Après la crise bosniaque (1908-09), qui se résout par le succès des Empires centraux et l’humiliation de la Serbie, « petite sœur slave » de la Russie, Nicolas II se laisse peu à peu entraîner par ses diplomates et son état-major dans une dangereuse politique balkanique. S’il n’intervient pas directement dans les guerres balkaniques (1912-13), il n’en favorise pas moins les entreprises antiturques et antiautrichiennes dans la péninsule.

Quand le spectre de la guerre mondiale se précise (juill. 1914), le tsar propose d’abord de soumettre le différend austro-serbe à la Cour de La Haye, mais, à l’insu du gouvernement français, il se laisse arracher par les militaires, le 30 juillet, un ordre de mobilisation générale dirigé contre l’Allemagne, qui en prend prétexte pour lui déclarer la guerre (1er août).

Après les revers de 1915, le tsar écarte du commandement son oncle le grand-duc Nicolas*, que déteste l’impératrice, et, malgré son inexpérience, prend lui-même la direction des armées. Envoûté par Raspoutine, refusant de consulter la douma et les alliés, Nicolas II s’entoure de ministres incapables (B. V. Stürmer, A. D. Protopopov). Après l’assassinat de Raspoutine par des officiers (déc. 1916), et tandis que la pénurie des vivres et des combustibles ajoute au mécontentement d’une opinion irritée par les revers militaires, les grèves insurrectionnelles se multiplient.

Isolé, bloqué dans le train impérial par des cheminots révolutionnaires, le tsar est bientôt acculé à une abdication désirée par la douma et par les chefs militaires. Il abdique, le 15 mars 1917, en faveur de son frère le grand-duc Michel, dont le refus marque la fin de la monarchie tsariste. Gardé à vue avec sa famille à Tsarskoïe Selo, le tsar se voit refuser par le gouvernement provisoire la faculté de gagner l’Angleterre. Transféré à Tobolsk, en Sibérie (sept. 1917), par crainte d’un coup de force monarchique, Nicolas II est installé en avril 1918 à Iekaterinbourg (auj. Sverdlovsk) : la révolution soviétique est alors en plein développement. Le soviet de l’Oural, apprenant l’avance d’un corps de Russes blancs et de Tchèques, décide de se débarrasser de la famille impériale, dont tous les membres sont abattus dans la cave de la maison Ipatiev (nuit du 16 au 17 juill. 1918). Le Journal intime de Nicolas II a été publié en 1925 ; les Lettres du tsar à l’impératrice, 1914-1917, en 1929.

P. P.

➙ Révolution russe de 1905 / Révolution russe de 1917 / Romanov / Russie / Russo-japonaise (guerre).