Nicolas Ier (suite)
Tout naturellement, le « tsar de fer » — dont la capacité de travail et d’action est d’ailleurs prodigieuse — va se faire le gendarme de l’Europe des rois menacée par la montée révolutionnaire, et aussi le héraut de la « plus grande Russie », protectrice des chrétiens orthodoxes face à l’Empire ottoman décadent. Après avoir forcé la Porte à donner à la Serbie une autonomie de fait (1826), Nicolas Ier contribue au triomphe de la cause grecque : mais après la victoire de Navarin (1827), ne voulant pas se laisser distancer par les Anglais, il déclare la guerre à la Turquie (1828) et obtient au traité d’Andrinople (1829) les bouches du Danube et une partie du littoral oriental de la mer Noire.
Empêché par le soulèvement polonais de s’intéresser activement aux révolutions française et belge de 1830, le tsar se rapproche de la Prusse et de l’Autriche, renforçant la Sainte-Alliance contre-révolutionnaire (convention de Münchengrätz, 1833), puis il se porte au secours de la Turquie lorsque le Sultan est menacé par l’ambition de Méhémet-Ali* : lors du traité d’Unkiar-Skelessi (1833), il fait fermer aux puissances autres que la Russie l’accès des Détroits ; l’indépendance turque est alors placée sous la garantie de la Russie. Cette politique expansionniste inquiète finalement la Grande-Bretagne, qui, après la seconde incursion de Méhémet-Ali en Turquie, reprend le problème des Détroits et le résout à son avantage (convention de Londres, 1841).
En 1848, lorsque l’Europe est de nouveau soulevée par des mouvements révolutionnaires, la Russie tsariste — seule indemne parmi les grandes puissances — joue à plein son rôle de gardienne de l’ordre établi. Nicolas aide l’Autriche à tenir la Galicie, puis, à la requête du jeune empereur François-Joseph, intervient militairement dans la Hongrie révoltée : la victoire austro-russe de Világos (1849) met fin à la révolution hongroise. L’année suivante, Nicolas Ier contribue largement à la « reculade d’Olmütz » (1850), qui marque la défaite — momentanée — des ambitions prussiennes face à une Autriche soutenue par la Russie.
C’est la protection accordée par la France aux catholiques d’Orient qui, alors qu’il est à son zénith, pousse le tsar vers une guerre dont l’issue lui sera fatale. À la suite d’une querelle avec Napoléon III sur la garde des Lieux saints (1853), Nicolas Ier — qui se pose en protecteur naturel et historique des chrétiens soumis aux Turcs — fait occuper par ses troupes la Moldavie et la Valachie (juin 1853). La France et la Grande-Bretagne étant hostiles à ses vues et à sa politique, le tsar leur déclare la guerre (févr. 1854). S’ensuit l’invasion de la Crimée par les forces franco-anglaises ; la terrible guerre de Crimée se déroule alors. N’ayant pu empêcher les alliés d’assiéger Sébastopol, Nicolas Ier est tellement affecté qu’il néglige de prendre les précautions de santé rendues indispensables par un dur hiver : il meurt d’une pleurésie le 2 mars 1855.
P. P.
➙ Romanov / Russie.
T. Schiemann, Geschichte Russlands under Kaiser Nikolaus I. (Berlin, 1904-1919 ; 4 vol.). / C. de Grünwald, la Vie de Nicolas Ier (Calmann-Lévy, 1946).