Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Neutra (Richard Josef) (suite)

Après la Seconde Guerre mondiale, l’architecte va se spécialiser dans le domaine de la maison individuelle, où il apporte une extrême sensibilité à la fois aux problèmes de l’expression du mode de vie des habitants et à la relation de l’espace avec le paysage extérieur — presque toujours exceptionnel. Sa pensée est ici très proche de celle de Mies* van der Rohe (depuis le projet de maison de campagne en brique de 1924 jusqu’au projet pour une maison dans le Tyrol en 1934) : son œuvre se situe dans une filiation directe, amplifiée et coordonnée, de ces premières approches dues au maître allemand.

La « Maison du désert » (Kaufmann House) à Palm Springs, en Californie (1946-47), et la Warren Tremaine House de Santa Barbara (1947-48) sont les premières d’une longue lignée de constructions individuelles dont les structures légères et précises, formées de panneaux opaques ou transparents utilisant largement le verre et le bois, s’ouvrent sur d’immenses panoramas et se lient à des plantations raffinées. Associé à partir de 1949 avec Robert E. Alexander, Neutra construira encore la maison James D. Moore dans la vallée de l’Ojai (1954), la maison Maury Sorrell à Shoshone, dans la Vallée de la Mort (1956), la maison Sidney R. Troxell à Pacific Palisades (1956) et la très belle maison Corwin Hansch à Claremont (1955), célèbre par son « toit d’eau », qui, sur une structure décalée le long de la pente d’un terrain, forme protection contre la chaleur pour l’étage inférieur (celui de la chambre) et miroir d’eau au-dessus, devant la salle de séjour. Dans les dernières années de sa vie, il se distinguera moins comme architecte — son œuvre devient quelque peu répétitive et tend à lui échapper entre les mains de ses collaborateurs — que comme théoricien de ce qu’on appelle aujourd’hui l’écologie et qu’il définissait comme un « bio-réalisme », c’est-à-dire une prise de conscience des effets de l’environnement sur le tempérament et sur le psychisme humain, et une étude des modes d’observation, d’analyse scientifique de ces effets. Parmi d’autres écrits, son livre de 1954, Survival through Design (trad. fr. Construire pour survivre), est le résumé de ses expériences d’architecte dans ce domaine ; il apparaît comme une des premières réflexions méthodologiques sur un problème considéré aujourd’hui comme essentiel.

F. L.

 P. M. Bardi, Neutra (São Paulo, 1950). / W. Boesiger, Richard J. Neutra. Réalisations et projets (Girsberger, Zurich, 1951-1966 ; 3 vol.). / B. Zevi, Richard Neutra (Milan, 1954). / E. Mc Coy, Richard Neutra (Londres et New York, 1960).

neutralité

Situation juridique particulière d’un État qui, en temps de conflit armé international, a résolu de demeurer en paix avec chacun des États belligérants.


Cette situation, échéant à la survenance d’un conflit, peut être la conséquence soit d’une décision prise dans l’immédiat, à son occasion, soit de l’application automatique d’un statut permanent antérieurement accepté.

On distingue en effet, à l’époque contemporaine, deux types de neutralité : la neutralité temporaire et la neutralité permanente. Cette dernière résulte d’un statut établi, pour le temps de paix comme pour le temps de guerre, par le moyen d’une convention internationale ou d’une décision interne internationalement reconnue. Le statut de la neutralité permanente ou perpétuelle est généralement garanti par l’engagement des puissances garantes d’intervenir au secours de l’État neutre victime d’une agression. Des situations de neutralité permanente de fait, non garanties, peuvent, d’autre part, être signalées (Suède, depuis 1815 ; Norvège, 1905-1949 ; Finlande, depuis 1904).


Droits et obligations de la neutralité

• Le premier des droits de l’État neutre est de pouvoir arrêter lui-même sa politique de neutralité. Dans la pratique de la neutralité temporaire, la déclaration de neutralité, dite « volontaire », est un acte de libre décision (homologue de la déclaration de guerre), qui, en règle générale, doit être adressée par un belligérant à son adversaire et faire l’objet d’une notification aux États tiers (La Haye, 18 octobre 1907, convention III, art. 2). Les 35 États participant à la conférence d’Helsinki ont intégré le droit à la neutralité dans les droits à respecter sur le plan de leurs relations mutuelles (Acte final du 1er août 1975).

L’histoire politique découvre, à l’origine des statuts conventionnels de l’État dit « perpétuellement neutre », une distinction fondamentale entre les neutralités imposées (Belgique, 1831-1839 ; Luxembourg, 1867) et les neutralités spontanées (Suisse, 1815 ; Autriche, 1955). La république fédérale d’Autriche offre dans ce secteur l’exemple non équivoque d’une volonté librement exprimée dans deux actes solennels émanant des pouvoirs constitués (déclaration du département politique fédéral du 2 novembre 1954 ; loi constitutionnelle du 26 octobre 1955).

• La compatibilité du statut de neutralité avec les obligations de garantie d’un système conventionnel de sécurité collective (article 10 du pacte du 28 juin 1919) a été soulevée et discutée à l’occasion de l’admission éventuelle de la Suisse dans la Société des Nations. En fait, la Confédération helvétique est demeurée à l’écart de cette organisation, bien que le Conseil de la Société ait admis la possibilité, pour un État neutre permanent membre de la Société, de fournir à l’État attaqué des moyens d’assistance et de collaborer aux sanctions qui seraient arrêtées contre l’agresseur et qui n’auraient pas le caractère d’une intervention armée.

La question dite de la neutralité bienveillante ou différentielle n’a pas été reposée dans le cadre de l’Organisation des Nations unies. L’absence d’une définition de l’agression, l’extrême rareté des désignations par le Conseil d’un État agresseur (Corée du Nord en 1950), le fonctionnement incertain et imparfait des sanctions (Rhodésie) offraient autant de motifs valables pour éviter cette reconduction.

• L’État déclaré et reconnu neutre a droit au respect de son intégrité territoriale et de son indépendance politique (La Haye, 1907, convention V, art. 1).