Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Néolithique (suite)

Amérique

Les américanistes ne parlent jamais de « Néolithique » à propos de la préhistoire américaine : ils utilisent plutôt l’expression « stade formatif ». Néanmoins, il est intéressant de connaître l’aspect culturel des sociétés amérindiennes précédant l’essor des grandes civilisations précolombiennes.

• L’Amérique centrale. La vallée de Tehuacán (Mexique) révèle un lent progrès vers une économie de production et la sédentarisation. La phase Purron (2500-1900 av. J.-C.) se situe à la charnière de cette évolution. L’agriculture assure maintenant une grande partie de la subsistance, et la première poterie apparaît, très grossière et mal cuite. La phase Coatepec (1900-1500 av. J.-C.) connaît le perfectionnement de cette céramique et l’apparition de figurines en terre cuite. (Notons que le monde précolombien ne connut jamais le tour du potier, ni l’élevage, hormis un chien à poil court et le dindon en Amérique centrale, ainsi que le lama dans les Andes.) À la même époque, des agriculteurs colonisent la vallée de Mexico.

La phase Ocós (1500-1000 av. J.-C.), la plus ancienne de La Victoria (Guatemala), connaît l’agriculture, la terre cuite (poteries et figurines), les textiles et les maisons de torchis. Il semble même que des contacts aient été établis par voie maritime avec l’Amérique du Sud.

Au nord du Mexique et sur le territoire des États-Unis, l’évolution s’opère plus lentement et plus tardivement.

• L’Amérique du Sud. En Colombie et au Venezuela, l’économie productive est assise dès le début du IIe millénaire. Les couches inférieures de Momil (1000-500 av. J.-C.) ont livré de grands plats en céramique.

Sur le littoral nord du Pacifique, l’agriculture apparaît vers 3000 av. J.-C., mais certaines cultures semblent s’être sédentarisées avant de connaître une base économique agricole. La céramique apparaît, elle, en Équateur vers 2500 av. J.-C. Au sud, à Huaca Prieta (2500-1200 av. J.-C.), on cultive des haricots et on tisse des étoffes.

La phase « Cerro Prieto » (3000-1200 av. J.-C.), dans la vallée du Virú (côte nord du Pérou), voit les produits agricoles constituer une ressource alimentaire substantielle. Au cours de la phase Guanape (1200-400 av. J.-C.), la poterie apparaît, puis le maïs et l’élevage du lama. Sur la côte centrale, le maïs précède la poterie (1400 et 1200 av. J.-C.) ; le lama est domestiqué vers 1000 av. J.-C.

Les Andes, enfin, sont le centre d’origine de plusieurs plantes américaines, dont la pomme de terre. Les débuts agricoles de cette zone sont encore mal connus. Du Pérou, les nouvelles économies s’étendent vers le sud et le sud-est (Brésil, Argentine, Chili).


La religion

Les modes de vie nouveaux font subir une profonde mutation à l’art et aux croyances religieuses. Le monde végétal supplante le monde animal comme centre de la vie quotidienne. Le cours des saisons, le soleil, la pluie concentrent alors les invocations des hommes. Les manifestations artistiques, parfois liées aux mythologies, semblent révéler des mythes de fécondité ou de fertilité.


L’art

La céramique est, bien sûr, l’expression artistique la plus commune. Sur l’argile encore molle, l’homme laisse parler toute son imagination créatrice, que ce soit dans les formes ou dans le décor. Ensuite, il projette sur l’argile cuite les couleurs dont il ornait autrefois les grottes. Les premiers décors consistent le plus souvent en impressions de doigts, de végétaux, de cordes ou de tissus. La poterie rubanée, par exemple, révèle une très grande fantaisie. En Orient, les céramiques peintes révèlent deux grands styles : l’un d’inspiration géométrique, l’autre plus naturaliste. Les premiers motifs sont souvent attribués aux agriculteurs et les seconds aux pasteurs.


La « fièvre mégalithique »

Le « mégalithisme » est un trait caractéristique mais non exclusif de l’Europe occidentale. Il remonte aux IIIe et IIe millénaires, soit au Néolithique tardif et au Chalcolithique. Ces monuments sont donc bien antérieurs aux Celtes, même si la terminologie adopte des vocables celtiques pour les qualifier. On distingue ainsi :
— le menhir, bloc de pierre vertical ; certains pouvaient atteindre des dimensions colossales (Locmariaquer en Bretagne) ;
— le dolmen, dalle horizontale reposant sur deux blocs verticaux (orthostates) ; il servait de chambre sépulcrale ;
— le cromlech, rangée circulaire de menhirs. Le plus célèbre est situé à Stonehenge (Willshire) [son diamètre dépasse 400 m].

L’interprétation du phénomène mégalithique reste difficile, les rituels qui s’y attachent semblant très divers.


La « révolution néolithique »

L’établissement de relations actives entre l’homme et son milieu naturel est donc un caractère propre aux civilisations néolithiques. L’homme, devenu régulateur conscient des processus naturels, contrôle alors son écosystème et, développant de nouvelles techniques, peut progresser vers les stades dits « de haute civilisation ». Il est à remarquer cependant que, si l’apparition de l’agriculture est une condition nécessaire au développement d’une grande civilisation, celle-ci n’est pas une conséquence inévitable de celle-là. On doit bien distinguer entre :
1o les débuts de la domestication des plantes, où les plantes cultivées ne constituent pas encore l’essentiel de l’économie, fondée sur la chasse et la cueillette ;
2o les progrès de l’économie agricole comme base de la subsistance et l’établissement de communautés sédentaires ;
3o le développement des « hautes cultures » marqué par l’émergence de grandes traditions (différentes des traditions locales, ou « folklore ») ;
4o le triomphe de la « civilisation » représenté par la construction des centres urbains.

Les limites de chaque stade sont rarement bien définies, et les deux premiers, qui nous concernent, n’échappent pas à la règle. Différentes disciplines concourent à l’étude des origines de l’agriculture : archéologie, botanique, linguistique. Elles tentent de répondre aux trois questions posées par l’apparition des plantes cultivées : Où ? Quand ? Comment ?