Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Accra (suite)

C’est à son rôle de capitale administrative qu’Accra doit son essor. Le climat relativement sec de ce secteur de la côte (« sous le vent » par rapport à la mousson d’ouest-sud-ouest) et l’absence de la mouche tsé-tsé, vecteur de la maladie du sommeil, ont été à l’origine de la décision prise en 1876 par l’administration britannique de transférer la capitale de la colonie de la Gold Coast (Côte-de-l’Or) de Cape Coast à Accra. Les conditions d’habitat pour la population administrative européenne y étaient plus saines, et surtout le climat rendait possible l’utilisation des chevaux.

Le village d’Accra avait été fondé à la fin du xvie s. par la population autochtone de la région, les Gas. C’était un petit village de pêcheurs sur la lagune de Korle. Au xviie s., les deux indentations du littoral, abris naturels favorables à l’activité portuaire, attirèrent les commerçants européens se livrant à la traite des Noirs. À l’ouest, les Hollandais bâtirent en 1650 le fort Crèvecœur (plus tard Ussher Fort), et les Anglais édifièrent vers 1673 le fort James ; à l’est, à 2 miles de distance, fut construit, à partir de 1657, le fort danois de Christiansborg.

La protection offerte par le voisinage des forts aux populations du littoral, victimes de razzias perpétuelles de la part de leurs voisins de l’intérieur, et l’essor du commerce négrier favorisèrent la concentration de la population ga, qui fit d’Accra sa capitale. Mais l’abolition de la traite des Noirs au début du xixe s. entraîna un déclin de l’activité commerciale, Accra étant mal placée pour se livrer au commerce des produits locaux (huile de palme notamment), qui remplaçait désormais le commerce des esclaves. Cependant, la mainmise britannique s’affirma avec l’achat, par le gouvernement anglais, du fort danois de Christiansborg (1850) et du fort hollandais d’Ussher (1872).

En 1876, Accra devient la capitale de la colonie britannique de la Gold Coast (émancipée deux ans plus tôt de la tutelle administrative de la Sierra Leone). Entre le château de Christiansborg, qui avait échappé au tremblement de terre de 1862 et qui avait été, pour cette raison, choisi comme résidence du gouverneur, et les quartiers africains de Jamestown et d’Usshertown se construit alors le quartier administratif et résidentiel de Victoriaborg, l’ensemble étant relié par une grande voie parallèle au littoral (High Street).

La construction de la jetée et du port (1903), puis de la voie ferrée Accra-Koumassi (1910-1923), la création d’un réseau routier et le développement de la circulation automobile après la guerre de 1914-1918 permettent à la capitale administrative de s’assurer de solides assises économiques. Les grandes maisons de commerce et les banques y établissent leurs sièges ; en dépit de sa situation géographique peu favorable, Accra assure à partir de 1924 une partie importante des exportations de cacao, dont la production est devenue la principale richesse du pays, et une partie sans cesse croissante des importations. La population passe de 16 000 habitants en 1891 à 26 600 en 1901 et à 42 800 en 1921.

À partir de ce moment, l’expansion s’accélère (70 000 hab. en 1931, 135 800 en 1948, près de 400 000 en 1960, plus de 700 000 en 1975). La construction d’un pont sur la lagune permet l’extension à l’ouest (édification de l’hôpital de Korle Bu ; développement du quartier périphérique de Korle Gono) ; vers le nord se développent d’autres quartiers populaires (Tudu, Adabraka, Accra New Town) ; la route du nord emprunte la vallée de l’Odaw (Station Road, devenue Kwame N’Krumah Avenue, puis, en 1966, Liberation Avenue), conduisant à 6 miles au nord, à l’Achimota College (1925-1927), premier noyau de l’université de Legon. Au nord-est, sur le plateau de Ridge, le long de l’Indépendance Avenue, se développent les quartiers résidentiels aisés, pour dégager Victoriaborg, désormais saturé. À partir de 1950, les villas se multiplient encore au-delà, aux alentours de l’aéroport.

Accra est aujourd’hui une énorme agglomération en constante expansion. Son développement relativement anarchique (pas de plan d’urbanisme avant 1939) explique la persistance, en plein centre, de quartiers surpeuplés (Jamestown, Usshertown, Christiansborg), où seule la spéculation immobilière élimine peu à peu les taudis à côté des immeubles occupés par les sièges des banques, des sociétés de commerce, etc. De Victoriaborg à l’aéroport s’étendent les quartiers résidentiels riches. À l’ouest, au-delà de la lagune Korle et de la rivière Odaw, et à l’est, sur un espace plus limité, les lotissements repoussent sans cesse les bidonvilles, qui renaissent plus loin dès qu’ils sont détruits. En 1962-63, les quartiers résidentiels riches, avec 6 p. 100 de la population, occupaient à peu près autant d’espace que les quartiers pauvres, avec 55 p. 100 de la population. Une zone industrielle s’est développée à l’ouest, sur la rive droite de l’Odaw.

Les fonctions urbaines demeurent avant tout administratives et commerciales, accessoirement intellectuelles (université, presse). En 1960, 37 p. 100 de la population active était employée dans le commerce, 24 p. 100 dans les services, 13 p. 100 dans l’artisanat et l’industrie, 12 p. 100 dans le bâtiment, 4 p. 100 dans la pêche. Le rôle des femmes est exceptionnel dans le commerce (73 p. 100 de la population active féminine y est occupée) ; certaines « mammies » y sont devenues d’importantes femmes d’affaires.

Depuis cette date, la réalisation du grand complexe de la Volta, œuvre de l’ancien président Kwame N’Krumah, a modifié ces données. Ce complexe comprenait la construction du barrage et de la centrale hydro-électrique d’Akosombo sur la Volta (première tranche achevée en 1965), la bonification des terres du delta, la création à Tema (à 25 km à l’est d’Accra) d’un port en eau profonde (mis en service en 1962) et d’un centre industriel.

Aujourd’hui, Tema a enlevé à Accra sa fonction portuaire (le port d’Accra n’est plus guère utilisé que par la pêche artisanale). Cette ville nouvelle (57 000 hab. en 1965) est devenue le principal centre industriel du Ghāna (aluminium, raffinerie de pétrole, savonnerie, textile, traitement du cacao, pêche industrielle et conserverie, etc.). Elle tend à s’intégrer, dans le cadre d’un plan unique d’urbanisme, au sein d’une agglomération Accra-Tema à laquelle elle apporte la fonction portuaire et industrielle.

J. S.-C.