Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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navigation (suite)

Distingué des autres biens de son propriétaire, le navire l’est non pas tant par la possibilité de l’hypothéquer, qui existe pour d’autres biens, que par la théorie des privilèges maritimes. En droit terrestre, le principe est que tous les biens d’une personne forment un tout homogène, le patrimoine, sur lequel les créanciers de cette personne ont des droits identiques. C’est une règle différente qui est appliquée en droit maritime. Depuis longtemps, il est admis que la plupart des personnes qui ont une créance née d’un acte d’exploitation du navire sont dans une situation particulière, bénéficiant sur le navire d’un privilège. Celui-ci leur donne le droit de saisir le navire dans les mains de l’armateur, de le faire vendre par décision de justice et d’être payé sur le prix avant les créanciers « terrestres », avant même les créanciers bénéficiaires d’une hypothèque sur le navire. Ce droit est reconnu notamment aux marins formant l’équipage du navire, aux propriétaires de marchandises ou aux passagers victimes d’un dommage à l’occasion du transport, aux tiers pareillement victimes du navire, tel le propriétaire d’un autre navire endommagé dans un abordage. Pratiquement, sont seules exclues du privilège sur le navire les personnes qui, ayant traité directement avec l’armateur, se plaignent de ce que celui-ci n’a pas rempli ses engagements. Ces créanciers ont fait confiance à l’armateur, non au navire : il n’est aucune raison pour que ce dernier soit, en quelque sorte, personnellement tenu de la dette. En revanche, puisque c’est le navire qui est ainsi garant du paiement des dettes nées de son exploitation, il est normal que les créanciers puissent le saisir et le faire vendre, même s’il n’est pas exploité directement par le propriétaire, mais par un armateur non propriétaire qui en a pris la gestion par contrat (affrètement, de moyenne ou longue durée). Et, dans cette perspective de responsabilité quasi personnelle du navire, il est pareillement normal que les créanciers puissent le saisir même dans les mains de l’acquéreur auquel il a été vendu, en tout cas pendant une période de deux mois.


Le statut de l’équipage

Dans l’équipage, une place particulière doit être faite au capitaine. Certes, celui-ci n’a plus des fonctions aussi étendues qu’au temps de la marine à voile ou des premiers vapeurs ; il avait alors les plus larges pouvoirs d’agir au nom de l’armateur, qui ne pouvait communiquer avec lui. Aujourd’hui, l’armateur est représenté dans tous les ports par un consignataire, ou agent maritime, qui agit pour son compte, lorsqu’il ne traite pas directement par télex. Mais le capitaine garde intactes ses fonctions techniques de direction du navire. Il est seul maître de la conduite de son bâtiment. Il en est aussi pleinement responsable et sera, en cas de faute, déféré devant le tribunal maritime commercial, tribunal où siègent deux de ses pairs, à côté d’un administrateur des Affaires maritimes, d’un juge et d’un technicien de la navigation. Il conserve pareillement les fonctions publiques qui découlent de sa qualité de représentant de l’État sur le navire. À ce titre, il est à la fois officier d’état* civil, notaire* et juge d’instruction. Mais, surtout, il est investi de la mission d’assurer la discipline à bord, avec les pouvoirs les plus étendus à l’égard non seulement des membres de l’équipage, mais aussi de tout passager comme de toute autre personne présente à bord.

L’équipage, quant à lui, a toujours fait l’objet d’une attention particulière du législateur, qu’il s’agisse de contrôler la composition de l’équipage des navires français ou de protéger individuellement chaque marin. Si la dénomination d’Inscription maritime a été abolie, il demeure que seuls des Français ou quelques rares assimilés, dotés de la compétence technique voulue et non frappés d’indignité, peuvent être membres de l’équipage d’un navire français. Et la constitution de l’équipage de chaque navire est contrôlée par les administrateurs des Affaires maritimes. Individuellement, le marin fait l’objet de protections diverses et importantes. Il est protégé contre son armateur, qui, même lorsqu’il a le droit de résilier le contrat d’engagement, ne doit pas abuser de ce droit et ne peut, en tout cas, le licencier dans un port étranger. Il est protégé contre la maladie* ou l’accident* par un système de prestations encore aujourd’hui gérées par l’Institution nationale des Invalides de la marine, créée par Colbert. Il est protégé contre lui-même, la loi limitant strictement le montant des avances que peut lui consentir son armateur, de peur qu’il ne dépense sa paie dans les bouges des ports où le navire fera escale. Pour certains même, cette protection va trop loin, alourdissant les coûts des armateurs français et mettant ceux-ci dans une position défavorable par rapport à la concurrence internationale.


Le régime juridique de l’exploitation du navire


Rôle de l’État et conférences maritimes

Si l’on fait abstraction des navires de pêche, souvent armés en copropriété par un groupe de marins-pêcheurs, les navires sont généralement exploités par une société d’armement, dont la structure est celle de toute société commerciale. Le premier problème d’un tel armateur est de se situer par rapport à l’État comme par rapport aux autres armateurs.

L’État intervient, certes, dans l’exploitation du navire pour protéger les marins, imposant un salaire minimal ou limitant le nombre de leurs heures de travail. Pour le surplus, s’il agit, c’est surtout pour défendre l’armateur français contre les armateurs étrangers, interdisant à ceux-ci d’effectuer des transports entre ports français ou de faire des opérations de remorquage dans les eaux françaises (navigation réservée). Son action se fait toutefois plus pressante sur certaines lignes maritimes internes, telle la ligne continent-Corse, qui ne peut être exploitée que par les armateurs admis à l’accord de trafic organisé sous son contrôle.