Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Navarre (suite)

Dans les domaines politique, religieux et social, ses interventions au nord des Pyrénées mettent l’Espagne en contact avec l’Europe, facilitant de la sorte l’établissement d’institutions de type féodal et permettant la pénétration de la réforme clunisienne ; c’est à cette époque que le rite mozarabe laisse la place à la liturgie romaine. Les pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle* jouent un grand rôle dans le développement commercial de la région et dans les échanges avec le reste de l’Europe.

La mort de Sanche III marque la fin de l’hégémonie de la Navarre. En effet, conformément aux volontés exprimées dans son testament, le royaume est divisé entre ses enfants, et l’unification est rompue au moment précis où s’unissent le León et la Castille, d’une part, et divers comtés catalans, de l’autre. Dès lors, la Navarre est encerclée et risque d’être la proie de l’Aragon et de la Catalogne à l’est, de la Castille à l’ouest. C’est justement pour essayer de se tirer de cette situation inconfortable qu’elle tente de se rapprocher de la France. La Navarre est donc partagée entre García IV Sánchez III (1035-1054), qui se voit attribuer la Navarre, Ferdinand Ier (1035-1065), qui hérite de la Castille, Ramire Ier (1035-1063), qui reçoit l’Aragon, et Gonzalo (1035-1037), les comtés de Sobrarbe et de Ribagorza.


Les successeurs de Sanche III Garcés le Grand et l’union avec l’Aragon

García IV Sánchez III est décidément victorieux, dans la vallée de Tamarón (1037), du roi de León Bermude III, qui est tué et remplacé par le souverain castillan Ferdinand Ier le Grand. Les deux frères ne tardent pas à s’affronter, et le monarque navarrais est vaincu et tué dans la plaine d’Atapuerca (1054). Son fils Sanche IV de Peñalén (1054-1076) est proclamé roi sur le champ de bataille, et la lutte continue. Le nouveau souverain s’oppose au roi musulman de Saragosse dans le dessein d’étendre ses États, mais il succombe à une conjuration tramée par son frère cadet et plusieurs nobles. Pour le venger, Alphonse VI de Castille envahit la Navarre et s’empare de la Rioja jusqu’à Nájera, qu’il fait passer sous sa domination.

Les Navarrais ne veulent ni être gouvernés par l’assassin de leur roi, ni courir les risques d’une régence rendue inévitable par le jeune âge des enfants du monarque. Aussi préfèrent-ils reconnaître la souveraineté du roi d’Aragon Sanche Ier Ramírez (1076-1094). C’est ainsi que les royaumes de Navarre et d’Aragon, issus d’une même origine et séparés à la mort de Sanche III le Grand (1035), se trouvent de nouveau réunis pendant près d’un demi-siècle, qui correspond aux règnes de Pierre Ier (1094-1104) et d’Alphonse Ier le Batailleur (1104-1134). Ce dernier meurt sans postérité et lègue ses possessions aux ordres militaires. Les Aragonais ne respectent pas cette volonté et donnent la couronne à son frère Ramire II (1134-1137), alors moine dans un monastère de Narbonne, tandis que les Navarrais choisissent García V Ramírez le Restaurateur (1134-1150), qui doit défendre ses terres contre les Castillans et les Aragonais, alors que son fils Sanche VI le Sage (1150-1194) se distingue par sa politique intérieure excellente et le rétablissement de la paix. Le calme s’instaure jusqu’à l’avènement de Sanche VII le Fort (1194-1234), qui s’appuie sur les Almohades pour contrecarrer la puissance de ses ennemis castillans, puis qui se retourne contre les Arabes, qu’il défait, avec l’aide d’Alphonse VIII de Castille (1158-1214), à Las Navas de Tolosa (1212).


La maison de Champagne : la Navarre est incorporée à la France

Sanche VII étant décédé sans héritiers directs, c’est son neveu le comte de Champagne* Thibaud IV qui lui succède sous le nom de Thibaud Ier (1234-1253), faisant ainsi entrer en Navarre la dynastie champenoise. Très attaché à la France, celui-ci ne sait pas s’intéresser aux problèmes de ses sujets. Il mène une croisade en Terre sainte (1239-1240). Son fils Thibaud II (1253-1270), marié à Isabelle de France, fille de Louis IX, accompagne son beau-père dans les deux croisades que celui-ci entreprend. N’ayant pas de descendance, il est remplacé par son frère Henri Ier (1270-1274), qui transmet la couronne à sa fille Jeanne Ire de Navarre (1274-1305), placée par sa mère sous la tutelle du roi de France Philippe III* le Hardi, qui la donne pour épouse en 1284 à son fils et successeur Philippe IV* le Bel. La Navarre est, de ce fait, partie intégrante de la monarchie française pendant le règne des trois fils de Philippe le Bel : Louis X le Hutin (1314-1316), Philippe V le Long (1316-1322) et Charles IV le Bel, appelé également Charles Ier de Navarre (1322-1328). Ce dernier cède la Navarre, qui recouvre ainsi son indépendance, à sa nièce Jeanne II (1328-1349), fille de Louis X et mariée depuis 1317 à Philippe d’Évreux (Philippe III, 1328-1343). Les fueros sont définitivement établis, et les Cortes font leur apparition.


La maison d’Évreux : rétablissement de la souveraineté

La maison d’Évreux donne deux rois à cette province : Charles II le Mauvais (1349-1387) et Charles III le Noble (1387-1425). Le premier, contemporain du roi de Castille Pierre Ier le Cruel, prend position dans la guerre civile qui déchire le royaume voisin en trahissant tour à tour les deux rivaux (Henri de Trastamare et Pierre Ier le Cruel), entre en lutte avec la France, qu’il rêve de conquérir, et mène une vie d’intrigues et de fourberies jusqu’à sa mort. Il succombe, atteint de la lèpre et victime d’un accident provoqué par la flamme d’une chandelle qui met le feu à ses vêtements. Le second, fils du précédent, est tout à fait l’opposé. Il s’efforce de réparer les torts causés par la mégalomanie et l’absence fréquente de son père. Il sert de médiateur dans tous les conflits qui opposent les souverains de l’époque, entretient de très bonnes relations avec les autres États espagnols, fait construire le château d’Olite et épouse en 1375 Eléonore de Castille (1350-1416), fille du roi Henri II. Il repose à Pampelune dans un tombeau qui est l’un des monuments les plus caractéristiques de l’art du xive s. Il laisse son trône à sa fille Blanche (1425-1441), mariée en 1419 au futur roi d’Aragon Jean II.