Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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natalité et fécondité (suite)

Les mesures de la fécondité

La fécondité se mesure de maintes façons. Lorsque l’on prend en compte un ensemble de femmes aptes à procréer, sans distinction d’état matrimonial, on fait des mesures de fécondité générale ; en se restreignant aux femmes mariées, on étudie la fécondité légitime, et, en considérant la fécondité des femmes non mariées, on étudie la fécondité illégitime.

Le concept de descendance finale est à la base des principales mesures de fécondité. La descendance finale d’une génération est le nombre final des naissances vivantes issues d’une femme prise à 15 ans et non soumise à mortalité jusqu’à 50 ans : c’est une mesure de fécondité générale. La descendance finale d’une promotion (ou cohorte) de mariages est le nombre final de naissances vivantes issues de mariages subsistant au moins jusqu’à ce que la femme atteigne 50 ans : c’est une mesure de fécondité légitime ; comme il y a plusieurs façons de constituer des cohortes de mariages (ensemble des mariages et remariages d’une année, ensemble des seuls mariages où la femme est célibataire, ensemble des mariages où la femme est célibataire et n’a pas dépassé un certain âge — 20, 25 ou 30 ans par exemple), il existe plusieurs mesures de la descendance finale des mariages. Le tableau sur la fécondité donne des indications relatives à la France. De 14 p. 1 000 avant guerre, le taux de natalité s’est relevé aux environs de 18 p. 1 000 jusqu’en 1964, mais depuis 1964 on assiste, comme dans la plupart des pays d’Europe, à une baisse accusée de la natalité.


Les facteurs de la fécondité

La fécondité humaine est sous la dépendance de facteurs biologiques et de facteurs de comportement, les rôles respectifs de ces deux sortes de facteurs étant difficiles à déterminer. L’examen des diverses étapes de la vie génésique d’une femme mariée ne pratiquant pas la contraception amène à constater que la fécondation, chez une femme fertile, n’intervient le plus souvent qu’après plusieurs ovulations ; autrement dit, chaque couple non contracepteur n’a qu’une probabilité inférieure à 1 de concevoir à l’issue de chaque cycle menstruel ; on nomme cette probabilité fécondabilité. La fécondabilité, qui dépend des aptitudes et des comportements des deux partenaires, est déterminée essentiellement par les caractéristiques féminines, d’âge notamment. On admet que, après une phase ascendante durant l’adolescence de la femme, la fécondabilité atteint un plateau vers 18 à 20 ans, pour ne décroître, semble-t-il, qu’au-delà de 40 ans ; à son niveau maximal, la fécondabilité vaut le plus souvent entre 10 et 30 p. 100 ; il y correspond, après établissement de rapports sexuels réguliers, des délais moyens extrêmes de conception de 10 à 3 mois.

Il apparaît encore que toute conception est suivie d’un temps mort, pendant lequel la femme ne peut concevoir ; ce temps mort comprend la période de gestation et le délai de réapparition de l’ovulation après l’accouchement ; ayant une durée minimale de l’ordre de 1 an (9 mois de gestation et un délai de réapparition de l’ovulation [en l’absence d’allaitement au sein] de l’ordre de 3 mois), il peut atteindre plusieurs années dans des populations où il est habituel que la femme nourrisse son enfant de façon très prolongée. La variabilité très importante du temps mort est le facteur principal de la variabilité, très importante aussi, de la fécondité en l’absence de pratiques contraceptives. Pour s’en rendre compte, il suffit de remarquer qu’un même nombre de naissances vivantes, disons 5, pourra, selon les cas, créer une stérilité temporaire de la femme de l’ordre de 5 ans ou de l’ordre de 15 ans, ce qui représente dans ces cas extrêmes soit 25 soit 75 p. 100 de la durée moyenne de fertilité utile de la plupart des femmes (voisine de 20 années s’il y a mariage à 20 ans et stérilité définitive vers 40 ans).

Il faut noter que la stérilité définitive progresse de façon très sensible avec l’avancement en âge de la femme. On s’accorde sur les pourcentages suivants de femmes définitivement stériles aux divers âges dans la France ancienne : 3 p. 100 à 20 ans, 6 p. 100 à 25 ans, 10 p. 100 à 30 ans, 16 p. 100 à 35 ans, 31 p. 100 à 40 ans. Naturellement, dans des situations particulières, et notamment dans des populations où sévissent des affections vénériennes généralisées, on peut avoir des pourcentages sensiblement plus élevés.

Indépendamment de ces facteurs liés directement au mécanisme de la fécondation, les conditions sanitaires générales influent sans aucun doute sur le niveau de la fécondité physiologique ; mais les possibilités physiologiques en matière de reproduction sont contrariées aussi par divers comportements — conscients ou non — de nature à limiter la fécondité. L’importance de l’allaitement au sein très prolongé peut être soulignée ; il n’y correspond généralement pas, de la part de celles qui adoptent cette pratique, le souci de limiter la descendance. L’intensité et la précocité très variables de la nuptialité sont aussi de nature à faire varier sensiblement la fécondité d’une population à l’autre, la fécondité légitime étant le plus souvent la composante principale de la fécondité générale. C’est en particulier parce que les mariages sont plus précoces (ils ont lieu à 20 ans en moyenne chez les femmes) et beaucoup plus généralisés (pratiquement toutes les femmes se marient) dans la plupart des pays du tiers monde que dans l’Europe ancienne que la fécondité des pays sous-développés est beaucoup plus élevée que celle de l’Europe au xviiie s.


Les pratiques contraceptives

Mais c’est surtout le développement des pratiques contraceptives conscientes qui met un frein à la capacité de reproduction de l’espèce humaine. Ces pratiques, dont on trouve des traces à divers moments de l’histoire, se sont progressivement généralisées au cours du xixe s. dans les pays qui effectuaient alors leur révolution industrielle (en France, toutefois, et pour des raisons encore inexpliquées, la limitation volontaire des naissances avait commencé à se répandre dès la seconde moitié du xviiie s.). Enfin, le recours à l’avortement s’est développé durant ces dernières années dans quelques pays (Japon, pays socialistes de l’Est européen et un nombre de plus en plus grand de pays occidentaux) en tant que moyen légal de limiter les naissances.