Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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music-hall (suite)

Le succès de ces grandes revues reposait et repose encore, d’une part, sur les interprètes, surtout les « meneuses de revues » comme le furent Jeanne Aubert, Joséphine Baker, Gaby Deslys, Marie Dubas, Mistinguett, Polaire, Yvonne Printemps et, plus près de nous, Zizi Jeanmaire, Mick Micheyl, Line Renaud, ainsi que leurs partenaires comme Maurice Chevalier, Max-Dearly, Fernandel, Fragson, Tino Rossi, etc. ; mais il tenait aussi beaucoup, d’autre part, au talent des auteurs de ces revues, qui ont su découvrir des numéros et des vedettes, les mettre en scène, régler les divers ingrédients composant une revue. Parmi les principaux auteurs, les animateurs, les directeurs de grands music-halls, on peut citer notamment Paul Derval, Oscar Dufrenne, Paul Ensia, Léon Volterra et Jacques-Charles.

Jacques-Charles

Il fit de son prénom le premier terme d’un nom composé qu’il rendit célèbre (1882-1971). Il fut l’un des revuistes les plus féconds : il écrivit plus de cent revues pour les music-halls du monde entier. Les frères Isola, dont il avait été le secrétaire, lui confièrent la direction de l’Olympia de 1911 à 1914. Il y monta des revues avec Louise Balthy et toutes les vedettes d’alors. Il dirigea ensuite le Marigny, le Palace, produisit après la guerre des revues au Casino de Paris, au Moulin-Rouge, mit en scène des films pour la Paramount (1922-1928), monta des revues aux États-Unis. Il fut l’auteur de nombreuses chansons à succès comme Mon homme, En douce, Ça c’est Paris, que Mistinguett chantait dans ses revues.

Par ses émissions radiophoniques et par ses évocations à la télévision, il a souvent fait revivre dans les années 60 la « belle époque » du music-hall. Ses ouvrages consacrés à l’histoire du music-hall font autorité sur une période qu’il a vécue et influencée.


Les vedettes de la chanson

Jusqu’à ce qu’il est convenu d’appeler la Belle Époque, et même jusqu’à la Première Guerre mondiale — car elle n’interrompit pas les représentations —, le music-hall acheva d’éliminer le café-concert. Parmi les nombreux music-halls d’alors, en plus de ceux qui se spécialisèrent dans les revues, on peut citer : l’Alhambra, les Ambassadeurs, l’Apollo, Ba-ta-clan, Bobino, l’Eldorado, l’Empire, la Gaîté-Rochechouart, l’Olympia, le Palace, Parisiana, la Scala, beaucoup d’anciens cafés-concerts.

Les vedettes de la chanson du caf’ conc’ gardaient encore toute leur popularité : Thérésa (1837-1913), Paulus (1845-1908), Yvette Guilbert (1867-1944), Harry Fragson (1869-1913), Mayol (1872-1941), etc. De même, les « genres » se maintinrent. Jacques-Charles estime que vers 1900 les genres les plus courants étaient : le genre « troupier », représenté par Polin ; le genre « paysan », représenté par Sulbac ; le genre « vieux beau », représenté par Baldy ; le genre « chanteur de charme », représenté par Mayol ; le genre « épileptique », représenté par Moricey.

Certains de ces artistes firent de très longues carrières. Après la Première Guerre mondiale, le public put entendre (ou retrouver) au music-hall Henri Alibert, Jeanne Aubert, Joséphine Baker, Marcelle Bordas, Lucienne Boyer, Maurice Chevalier, Damia, Marie Dubas, Fernandel, Fréhel, Lys Gauty, Yvonne George, Georgius, Jean Lumière, Georges Milton, Mistinguett, Edith Piaf, Suzy Solidor, etc. Beaucoup de noms nouveaux apparaissent peu à peu, car la chanson va changer.

Maurice Chevalier

Comme pour Mistinguett, c’est le music-hall des revues qui a assuré à Maurice Chevalier (Paris 1888 - id. 1972) son succès jamais démenti au cours d’une longue carrière, qui débute quand il a douze ans, au Casino des Tourelles. Petits bistrots, cafés-concerts, music-halls, il gravit toutes les étapes jusqu’aux scènes internationales les plus prestigieuses. En 1909, il a la chance d’être, aux Folies-Bergère, le partenaire de Mistinguett, déjà célèbre. Leur « valse renversante » (1912) les conduit au succès. Après la Première Guerre mondiale, Maurice Chevalier passe au Casino de Paris, aux Bouffes-Parisiens, où il interprète des revues et des opérettes comme Dédé (Willemetz-Christiné).

Son personnage est celui d’un faubourien gouailleur, mais élégant (smoking, canotier, nœud papillon, sourire), influencé par l’Amérique, où il tournera de nombreux films de 1928 à 1935. « Comme magnétiseur, on ne fait pas mieux », a dit Colette. Le personnage explique sans doute le succès d’un répertoire qui paraît aujourd’hui d’une qualité discutable : Valentine, Prosper, Ma pomme, etc. À la Libération, on lui a reproché d’avoir continué à chanter et même à écrire des chansons pendant l’occupation allemande, parfois dans une tonalité vichyste (Ça sent si bon la France, la Chanson du maçon, etc.). Mais il put ensuite reprendre sa carrière et donna des récitals presque jusqu’à sa mort.

Mistinguett

Jeanne Bourgeois, dite Mistinguett (Enghien-les-Bains 1873 - Bougival 1956), fut, dans le style de « la petite môme des faubourgs », l’une des meilleures meneuses de revues de la grande époque.

Elle débute au Trianon-Concert en 1895. La « valse chaloupée », créée au Moulin-Rouge en 1909 avec Max-Dearly, la rend célèbre. Elle impose alors son personnage, sa silhouette aux longues « gambettes », ses grandes dents, son accent gouailleur, son toupet, dans des revues qu’elle mène tambour battant, en 1911 aux Folies-Bergère avec Maurice Chevalier, puis au Moulin-Rouge de nouveau où elle chante Mon homme (1920), Ça c’est Paris (1928), etc. Vedette internationale, elle rend célèbre partout des chansons de Maurice Yvain, Albert Willemetz, José Padilla, Jacques-Charles, comme J’en ai marre (1921), En douce (1922), la Java (1922), etc.

Elle danse et chante jusqu’en 1951, avec une telle célébrité que Colette a écrit : « Mistinguett, propriété nationale. » Sa popularité venait de son « abattage » en scène ; aujourd’hui, son répertoire n’a plus qu’un intérêt historique.


Sur toutes les scènes du monde

À la fin du xixe s., le music-hall se développa dans tous les grands pays sur des modèles à peu près semblables, compte tenu des traditions nationales. Aux États-Unis, les burlesques, les Minstrel shows, les Singing waiters annonçaient le music-hall qui s’affirma à New York, surtout avec les spectacles montés à partir de 1907 par Florenz Ziegfeld (1868-1932, créateur des Ziegfeld Follies) dans des grandes salles ou dans des tournées à travers les États. Revues ou spectacles variés virent triompher les Dolly Sisters, Eddie Cantor, puis Al Jolson, les Marx Brothers*, Fred Astaire, Sophie Tucker et tant d’autres, dont le cinéma s’empara par la suite. En Russie, l’influence occidentale se combina avec la tradition du cirque et celle des chansonniers, à Saint-Pétersbourg ou à Moscou. En Allemagne, en Italie, le music-hall naquit, comme en France, à la même époque, des cafés ou des cabarets chantants.