Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Moscovie (suite)

Du point de vue social, une différenciation très nette commençait à se produire dans les villes entre les gosti (les grands marchands [le terme, à l’origine, désignait des marchands étrangers]), les kouptsy (les marchands moyens), les artisans et le petit peuple urbain : les rabotnyïe lioudi. Quant aux nobles, les boyards, dont les propriétés foncières dépendaient du tsar, ils joueront un rôle important dans l’expansion politique et militaire de l’État moscovite.

Basile Ier annexe la principauté de Nijni-Novgorod, mais il doit affronter à l’ouest la puissance lituanienne.

La Moscovie connaît sous le règne de Basile (Vassili) II (1425-1462) une crise sérieuse due à des querelles dynastiques qui opposent le prince de Moscou et ses boyards aux princes apanagistes.

Les principautés russes de Tver et de Novgorod profitent de ces querelles pour reprendre des territoires récemment annexés par leurs voisins moscovites, et cela avec le soutien de la Lituanie.

Basile II a même les yeux crevés par ses adversaires, mais il réussit quand même après des péripéties dramatiques à triompher de ses rivaux.

En 1453, les Turcs s’emparent de Constantinople. C’est une date importante pour la Moscovie. Jusqu’alors, l’Église orthodoxe dépendait du patriarche de Byzance. Avec la chute de la ville mère de la « deuxième Rome », elle devient totalement indépendante. Moscou peut prétendre à la succession de Constantinople. à devenir en somme la « troisième Rome ». Dès 1448, les évêques de Russie réunis en concile nomment un nouveau métropolite, sans en référer à Byzance.


La grande époque (xve-xvie s.)

Le règne d’Ivan III (1462-1505) est une étape essentielle pour l’État moscovite. À son avènement, malgré les progrès des décennies précédentes, la Moscovie reste menacée par les Tatares à l’est, par les Lituaniens et les Polonais à l’ouest. Sa suprématie en Russie orientale est contestée par les princes de Iaroslavl, de Rostov, de Tver et de Riazan. Novgorod est encore indépendante, et les princes apanagistes constituent un danger potentiel. Ivan III mène une politique habile qui lui permet d’éliminer ses adversaires. Alliant la ruse et la cruauté, il s’empare de Novgorod et de ses colonies et annexe la principauté de Tver en 1485. Iaroslavl et Riazan sont soumises à la loi de Moscou. À Test, les Moscovites s’engagent jusqu’à l’Oural et aux confins sibériens, refoulant devant eux les tribus mongoles. Ivan III profite des divisions chez les Tatares pour affranchir définitivement la Russie de la suzeraineté de la Horde d’Or en 1480.

En 1502, le khanat de la Horde d’Or disparaît sous les coups des Moscovites et de son allié le khān de Crimée. Les difficultés de la Lituanie et de la Pologne permettent à Ivan III de s’agrandir vers l’ouest. En 1494, il peut se faire reconnaître le titre de « souverain de toute la Russie », car il a uni sous sa direction tous les territoires de l’ancienne principauté de Kiev.

Les princes de Moscou ont assuré la succession dynastique en faisant reconnaître la coutume du « père et du grand-père ». Ivan III proclame qu’il est souverain de son État par la « grâce de Dieu ». En 1472, il épouse en secondes noces la nièce du dernier empereur de Constantinople, Zoé Paléologue (appelée Sophie en Moscovie).

Il prend comme armoiries celles de Byzance, l’aigle à deux têtes, et organise la cour sur le modèle de la cour byzantine, dont il adopte le cérémonial. L’autocratie russe apparaît alors très nettement : Ivan III se proclame lui-même autocrate samoderjets. On répandra même une légende selon laquelle les tsars moscovites descendraient d’Auguste.

Les boyards doivent se soumettre à l’autorité du souverain. La douma des boyards est transformée en conseil privé du « Grand Prince ». L’État se renforce par la création des prikazes, institutions centrales dirigées par des fonctionnaires, les diak. Cependant, les autorités régionales et locales continuent à vivre aux dépens des habitants de leurs circonscriptions (système du kormlenie). Le code de 1497, le soudebnik, établit les mêmes règles pour toute la Moscovie. Toutes les familles de boyards sont classées hiérarchiquement, et leurs propriétés doivent correspondre à leurs grades.

Une nouvelle forme de propriété apparaît alors, les pomestie, qui sont des terres distribuées par les princes à leurs vassaux. Les paysans dépendent de plus en plus des seigneurs. Le code de 1497 leur interdit de changer de résidence plus d’une fois par an. Ils doivent payer les redevances en argent (plus qu’en nature). Le commerce est prospère principalement à Moscou, dont la population s’accroît (100 000 hab. au début du xvie s.). La civilisation russe s’épanouit sous la double influence de la culture byzantine et de la renaissance occidentale, qui se conjugue avec les traditions culturelles de la Russie kievienne. Les églises sont bâties avec des plans cruciformes, quadrangulaires ou octogonaux, et avec d’immenses coupoles. Les murailles du Kremlin, le palais à Facettes, les arcades Renaissance de la cathédrale de la Dormition sont l’œuvre d’artistes italiens comme la cathédrale de l’Archange du Kremlin.

La tradition des icônes*, venue de Kiev, de Novgorod, de Souzdal et de Vladimir, se perpétue avec Andréï Roublev (v. 1360-1430) et les fresques de Dionysos (le maître Denis, v. 1440 - apr. 1502) au monastère de Théraponte (1500-1502).

Le règne de Basile (Vassili) III (1505-1533) est une continuation du précédent, en particulier dans le domaine de l’affermissement de l’autocratie et de la bureaucratie.

Il en est tout autrement du règne d’Ivan IV (1533-1584), surnommé Groznyï, « le Terrible ». En 1547, Ivan est couronné « tsar » dans la cathédrale de la Dormition à Moscou (le mot tsar vient à travers Byzance du latin caesar, qui servait dans la titulature byzantine à désigner l’empereur). Ainsi, Ivan affirme sa volonté d’autocratie : Moscou est la « troisième Rome ».